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Le Temps d'Emelnys

18 décembre 2015

10 – Veltiem

Le soleil se couchait sur les remparts d'une imposante cité. Autour, il n'y avait aucune plante, aucun arbuste, aucun arbre. De la poussière virevoltait sur le seul sentier menant à la ville, porté par le vent. Sur les remparts de pierre se trouvait des soldats faisant le guet. Sur le chemin, deux silhouettes apparurent, toutes deux portant un arc en bandoulière. Les deux esalmias s'approchèrent des portes de la ville.
- Halte ! lança le garde en faction d'une voix dure. On ne passe pas !
L'esalmias blond baissa la lance que le garde pointait sur eux, menaçant.
- On se calme, l'ami, répondit-il. Je suis Océrem, fils du Seigneur Péneltos.
Le second esalmias s'avança.
- Et je suis Meneldil, ami du dirigeant de cette ville.
L'expression du garde se radoucit instantanément et il planta le bout de sa lance dans le sol, s'inclinant rapidement, et très maladroitement.
- Pardonnez moi, je ne vous avais pas reconnu, s'excusa-t-il. Faîtes ouvrir la porte ! cria-t-il en direction des remparts.
Dans un grincement, la lourde porte de la cité s'ouvrit. Les deux visiteurs passèrent les remparts et avancèrent dans la rue principale. Veltiem était une ville de taille moyenne et très ancienne. Elle avait servie de place forte dix mille ans auparavant, lors de la «Ohta Ormë[1]». En s'avançant dans la cité, les deux esalmias virent énormément de commerçants. La rue principale était pavée tandis que les ruelles n'étaient que terre et poussière. Il n'y avait que très peu de monde dans les rues et la majorité de la population s'était enfermé dans leurs maisons, les volets en bois fermés pour ne pas voir au dehors.
- Quel silence ! remarqua Océrem.
- A croire qu'ils devinent se qui les attend, soupira Meneldil.
- Ohta[2] ! marmonna l'esalmias blond en soupirant à son tour.
Tout en avançant, ils regardèrent les quelques personnes présentent dans les rues. Toutes avaient l'air affamées et épuisées. Les deux esalmias continuèrent leur route, Meneldil servant de guide à Océrem, qui n'était jamais venu dans la cité. Les deux esalmias avaient lentement fait connaissance durant les derniers jours.
Ils arrivèrent devant la plus grande maison de la cité. Le dirigeant de la ville vivait ici et Meneldil, au fil de ses voyages, avait finit par lier une amitié avec lui.  L'esalmias châtain frappa au battant de la porte et se recula. Pas un bruit ne retentissait, que se soit à l'intérieur ou à l'extérieur de la maison. Après un temps qui parut extrêmement long aux visiteurs, la porte s'ouvrit lentement. Un esalmias brun passa la tête dehors et scruta les environs avant de reconnaître ses visiteurs.
- Meneldil !
Il les fit rapidement entrer et s'empressa de refermer la porte derrière lui.
- Qu'est ce qui se passe, Jalep ? demanda le visiteur châtain.
Jalep se tourna vers eux, légèrement plus détendu, et les entraîna dans son bureau. Il les invita à s'asseoir d'un mouvement de la main, se qu'ils firent.
- Il y a quelques jours, une rumeur à circulé en ville, raconta-t-il. Je n'y ai tout d'abord pas fait attention, mais elle s'est répandue très rapidement et bientôt, toute la cité en parlait. D'après cette rumeur, un esalmias serait à la solde du Grand Conseil et ne serais parmi nous que pour jouer le rôle d'espion. De plus, nous avons appris il y a de cela trois jours que le général Siladan est porté disparu. D'après ces troupes, il aurait déserté, mais je n'y crois guère. Il a toujours été fidèle au Seigneur Péneltos et il est réputé pour ne pas avoir reculé, même devant une centaine d'ennemis. Il n'aurait pas fui, j'en suis persuadé !
Meneldil resta silencieux un moment.
- Les habitants se terrent dans leurs maisons, tout le monde se méfie de tout le monde, chacun soupçonne son voisin. Nous pouvons bientôt nous attendre à une attaque de la ville de la part des armées du Grand Conseil. Certains villageois ont déjà fuient la cité pour aller se réfugier à l’est.
Meneldil se leva et se mit à marcher de long en large dans le bureau.
- La situation est pire que je ne le pensais, remarqua Océrem.
- Les nouvelles mettent du temps à arriver à Alanil, soupira Meneldil. Les missives sont parfois interceptées par des mercenaires du Grand Conseil.
- Le dernier message que le seigneur Péneltos est reçu au château disait que les troupes du Grand Conseil avaient prit le fort de Gouenliem. Mon père avait fait donner l’ordre de rapatrier le reste de nos soldats à Veltiem.
- Le général Siladan a disparu sur le chemin de la cité et plus personne ne l’a revu depuis, ajouta Jalep. Je n’ai pas osé envoyer des soldats à sa recherche, nous avons besoins de toutes nos troupes pour défendre la ville. De plus, les routes ne sont plus sûres et des éclaireurs du Grand Conseil rôdent.
Meneldil se rassit sur son siège et réfléchit un moment. Les deux esalmias gardèrent le silence un moment tandis que Jalep faisait de même.
- Mais je me doute bien que vous n’êtes pas venus me voir pour parler de l’attaque imminente de la cité, lança Jalep.
- C’est exact, malheureusement, approuva Océrem. Nous sommes venus vous demander des chevaux pour nous rendre à la Montagne Inversée.
Jalep se leva et invita ses visiteurs à l’imiter.
- Je vous donnerais des chevaux, bien entendu. Je vais vous menez aux écuries de la ville, ou vous pourrez choisir par vous-même. Se n’est sûrement pas par hasard que Meneldil voyage avec le fils de notre seigneur.

Les trois esalmias marchaient dans les rues de la ville, toujours aussi déserte. Seules quelques habitants se risquaient au dehors et se lançaient des regards méfiants. Tout le monde soupçonnait son voisin d’être l’espion des rumeurs qui avaient circulés dans la cité. Ils passèrent devant les remparts, ou des soldats montaient la garde. Une certaine nervosité se fit ressentir chez Jalep.
- Nos soldats sont tout juste assez nombreux pour défendre la ville, expliqua-t-il. Nos troupes ont un temps soit peu augmenté avec le rapatriement du reste de la garnison de Gouenliem, mais cela sera tout juste suffisant et l’ennemi est beaucoup mieux armés. Il faudra probablement soutenir un siège et je ne sais pas combien de temps nous pourrons résister.
L’armée de Veltiem n’était pas très nombreuse, même en comptant les soldats qui avaient survécu à la prise du fort de Gouenliem. Le moral des troupes était au plus bas et la disparition mystérieuse du général Siladan n’arrangeait rien.
Jalep les entraina à l’écart des remparts, vers un vaste bâtiment d’où émanaient des odeurs d’écurie. Ils pénétrèrent à l’intérieur. Quelques tas de pailles étaient entreposés contre les murs tandis que certains chevaux, curieux, passaient la tête hors de leurs stalles pour observer les visiteurs. A part les bêtes, les écuries étaient désertes. Océrem s’approcha d’un cheval au pelage blanc comme la neige et caressa lentement ses naseaux. Derrière lui, Meneldil observait un étalon marron et lui flattait gentiment l’encolure.
- Avec ses chevaux, commenta Jalep, vous arriverez rapidement à la Montagne Inversé !
Océrem passa sa main sur l’encolure de l’animal blanc et se tourna vers le dirigeant de la ville.
- Pourrons-t-ils franchir la montagne et nous mener en Millales ? demanda-t-il.
Meneldil observa un moment sa monture et se tourna vers eux.
- Je pense qu’ils le pourront, ils ont l’air fort et vigoureux, remarqua-t-il.
Jalep se rengorgea fièrement.
- Nos chevaux sont réputés pour être les meilleurs du royaume !
Océrem sortit des écuries avec les deux esalmias.
- Je l’espère, songea le fils du seigneur. Nous devons atteindre la montagne au plus vite !
Jalep les entraina dans les rues de la ville, toujours aussi désertes. Le silence qui régnait entre les habitations devenait oppressant, comme si la cité retenait son souffle dans l’attente des prochains évènements à venir.
- Quand comptez-vous partir ? demanda Jalep en continuant son chemin, suivit des deux esalmias.
Ils se dirigèrent à nouveau vers les remparts pour regagner la demeure du dirigeant de la cité.
- Le plus tôt possible, répondit Meneldil. Le temps presse !
Ils continuèrent leur route et longèrent les remparts de la ville.
- Vous n’aurez qu’à partir demain, suggéra Jalep. Vous pourrez passer la nuit chez moi.
- Merci, lança Meneldil.
Derrière eux, Océrem marchait à l’arrière du groupe tandis que les deux esalmias discutaient ensembles. Le fils du seigneur réfléchissait à l’attitude de Jalep, qui lui paraissait quelque peu étrange. Sans doute est-il nerveux, songea-t-il. La ville risque d’être attaquée à tout moment !
Tandis qu’ils passaient devant les portes de la cité, un soldat accourut vers eux, descendant en hâte les marches menant en haut des remparts.
- Que se passe-t-il ? questionna Jalep en voyant l’esalmias se diriger vers lui.
Celui-ci se mit au garde-à-vous avant de répondre.
- Nous venons de repérer des mouvements suspects au loin, dit-il. Les troupes du Grand Conseil se rassemblent en masse à l’horizon !
Océrem et Meneldil ne prirent pas la peine d’en écouter plus et se dépêchèrent de monter sur les remparts pour observer d’eux même. Au loin, des lignes noires bougeaient lentement, menaçantes. Meneldil attrapa une longue-vue et entreprit d’examiner les mouvements ennemis. Les armées, composées d’esalmias, de sorciers, de fées dépourvus d’ailes, de magiciens et également d’hommes Millales, se regroupaient en masse.
- Ils sont au moins une centaine, marmonna-t-il.
Jalep les avaient rejoint et suivait d’un œil anxieux les déplacements des troupes. Océrem entreprit à son tour d’étudier la situation qui se présentait à eux.
- Ils attaqueront à l’aube ! fit-il remarquer. Ils amènent des tours d’asseaux et un bélier pour enfoncer les portes ! ajouta-t-il. Ils ont l’air décidé à envahir la ville !
Jalep descendit des remparts, suivit de près par Océrem et Meneldil.
- Ils sont trop nombreux ! commenta le dirigeant de la ville. Comment allons-nous protéger la cité et ses habitants ? marmonna-t-il.
- Envoyez un messager à Alanil, suggéra Océrem.
- Impossible, le contredit Meneldil. Cela prendrait bien trop de temps…
Les trois esalmias s’éloignèrent des remparts, afin de ne pas inquiéter les soldats plus qu’ils ne l’étaient déjà.
- Vos soldats sont-ils assez nombreux pour repousser les forces ennemies ? demanda Océrem.
- Oui, ils le sont, répondit Jalep. Mais les troupes du Grand Conseil sont bien mieux armés que nous ! soupira-t-il.
Meneldil secoua la tête en soupirant et leva les yeux au ciel. Se qu’il peut m’énerver, à broyer du noir à la moindre difficulté ! pesta intérieurement l’esalmias châtain.
- Mais vous pouvez tout de même les battre ! s’écria-t-il. Vos forces sont égales, et même s’ils sont mieux armés que vous, cela ne signifie pas que vous n’avez aucune chance d’en venir à bout ! tenta-t-il de le convaincre. Si vous renoncez, ils auront gagné ! Ils pensent déjà avoir remporté la victoire !
Jalep ne répondit pas pendant un moment, plongé dans une profonde réflexion silencieuse. Les deux visiteurs se gardèrent bien de troubler ses pensées. Après un moment, le temps pour eux de se retrouver à nouveau devant la demeure du dirigeant de la ville, ils se décidèrent à parler.
- Alors ? demanda Océrem.
- Qu’avez-vous décidé ? questionna Meneldil.
Jalep se tourna vers eux, la face grave.
- Nous allons nous battre ! lança-t-il.
Un maigre sourire apparut sur le visage de Meneldil et il échangea un regard entendu avec Océrem. Ce dernier prit la parole :
- Nous allons vous aider, Meneldil et moi ! Il n’est pas dit de sitôt qu’une autre cité du royaume tombera ! Pas si nous pouvons l’en empêcher !
Jalep les fit de nouveau pénétrer chez lui et se tourna vers eux.
- Merci, dit-il. Votre aide sera la bienvenue… même si cela vous fera retarder votre départ, ajouta-il. Je suis persuader que votre présence redonnera du courage à nos soldats… notamment à ceux qui étaient en poste à Gouenliem, et qui on vus les forces ennemis prendre le fort !
- Il faudrait donner l’ordre aux habitants de se réfugier ou ils le peuvent, fit remarquer Océrem. Mais il ne faudra pas créer un mouvement de panique, sinon les villageois risquent de s’enfuir de la cité, et la situation serait beaucoup plus critique pour eux.
- Oui, approuva Meneldil. Il faut à tout prit éviter de créer un mouvement de panique et chercher à rassurer autant que possible les habitants. Qu’ils se terrent dans leurs caves, ou ils seront à l’abri des combats.
Jalep les entraina pour la deuxième fois de la journée dans son bureau.
- Je crains que la cité ne soit dans un triste état, soupira-t-il. Que se soit en cas de victoire ou de défaite…
Océrem s’assit sur un des sièges, imité par les deux autres esalmias.
- Les combats risquent d’être violents… et sanglants, prédit Meneldil.
Le fils du seigneur hocha la tête tandis que Jalep gardait le silence. La ville risquait d’être dans un triste état dans les prochaines heures à venir. Que se soit en cas de victoire… ou de défaite !
- A l’aube… lâcha Jalep en soupirant.
L’attente jusqu’à l’heure fatidique commençaient. Les trois esalmias allaient devoirs organiser les défenses de la cité, pour tenir le plus longtemps possible…



[1] Ohta Ormë : Guerre des Haines

[2] Ohta : la guerre

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15 décembre 2015

9 – Retour en arrière

La petite flamme de la maigre bougie de la cave vacilla une nouvelle fois puis s’éteignis pour ne plus se rallumer. L’endroit était maintenant plonger dans l’obscurité la bougie éteinte constituant sa seule source de lumière.
- Il ne pense même pas à renouvelé la bougie ! pesta une voix dans le noir.
Après un moment, une faible lueur transperça la noirceur autour d’elle, devenant de plus en plus grosse, de plus en plus vive. La lumière éclipsa peu à peu les ténèbres inquiétant. Souani regarda légèrement la boule, mais fut rapidement aveuglé. Elle l’a rendit aussitôt moins éclatante et la lumière baissa quelque peu. La jeune fille arrivait sans mal à effectuer de simples tours de magie comme celui-ci, mais elle n’arrivait pas à réaliser les plus puissants, au risque de provoquer une explosion. Elle avait décidé de ne les tenter qu’en réel cas d’urgence, en dernier recours.
Souani détestait l’obscurité complète, surtout derrière ses barreaux. Elle avait l’impression d’être oppressée, prise au piège, se qui était vrai en cet instant. Si la lumière ne réapparaissait pas très rapidement, elle commençait à paniquer. Et mieux valait la calmer en ne la laissant pas dans le noir. Avec le temps, elle avait appris à contrôler sa peur des ténèbres, mais elle détestait toujours autant l’obscurité.
Souani s’assit sur le sol dur et froid, le dos appuyé contre les barreaux. Que le temps lui paraissait bien long, enfermé dans cette cave…

A l’étage, Roarik venait de rentrer, posant une bourse pleine de monnaies sur la table. Aujourd’hui, il avait dérobé une ancienne pièce de collection chez un riche armateur de Tasano. Il avait revendu à un marchand pour un bon prix. Une pièce de viande rejoignit la bourse dans un bruit sourd. Il l’avait achetée en partant le matin, tout en se demandant ce qu’il allait faire de sa prisonnière. Il ne pouvait pas la garder éternellement derrière les barreaux. Il fallait qu’il se décide à en finir une fois pour toute…
Tout en faisant cuire la viande, qu’il partagea en deux morceaux, il réfléchissait. Devais-je vraiment tuer cette jeune fille ? Quel danger représente-t-elle pour le Grand Conseil ? En temps normal, il aurait exécuté le travail sans se poser de questions. Mais il se demandait comment une adolescente pouvait autant inquiéter les sorciers noirs. Et surtout, si elle était aussi dangereuse que ça, pourquoi ne la faisait-il pas eux-mêmes ? Leur réputation sordide était connue de tous et personne n’ignorait ce dont ils étaient capables ! Ils pouvaient très bien tuer une personne innocente en public, pour le plaisir. Les habitants de Gil-Estel, la capitale du royaume, avait l’habitude de voir des esalmias capturées en otage, ou encore des paysans affamés se faire assassinés sans une once de pitié dans les yeux de leurs assassins.
Roarik réfléchit encore pendant un long moment. Accoudé au rebord de la fenêtre, il regardait les passants dans la rue. Un gamin déboula en courant, ses pieds nus faisant voler de la poussière. Cela le ramena bien longtemps en arrière, à l’époque où il n’était encore qu’un enfant.

 
Bien longtemps auparavant…

 
Un petit garçon aux cheveux bruns en bataille, à l’allure miséreuse, se tenait caché derrière un grand homme strict. L’homme parlait d’une voix forte avec une dame âgée aux cheveux gris regroupés sous un bonnet de chiffon blanc, portant une longue robe de tissu rêche surmontée d’un tablier. L’homme fit avancer l’enfant et le poussa vers la vieille dame.
- Bonjour mon petit, dit-elle. Je m’appelle Jiliss, mais tu peux dire mamie Ji. Et toi, comment t’appelles-tu ?
Elle lui fit un sourire bienveillant. Le petit garçon resta muet et baissa le regard.
- Et bien, tu as perdu ta langue, mon bonhomme ? demanda la vieille dame.
- Il n’a pas dit un mot depuis qu’on l’a récupéré, lança l’homme d’un ton bourru. Je vous le laisse, c’est le troisième ce mois-ci !
Mamie Ji raccompagna l’homme à la porte en entraîna ensuite le petit garçon dans la maison. Alors qu’ils passaient dans la cuisine, il lâcha :
- Roarik.
La vieille dame fit un sourire et le l’invita à entrer dans une pièce dans laquelle se trouvait plusieurs lits alignés le long du mur. Assis sur chacun d’eux se trouvait une ribambelle d’enfants.
- Mes petits amis, annonça mamie Ji, j’aimerais vous présenter un nouveau petit camarade.
Les enfants dévisageaient le nouveau venu de la tête aux pieds.
- Il s’appelle Roarik, ajouta la vieille femme. Je veux que vous lui fassiez bon accueil.
Elle partit ensuite dans la cuisine et les enfants s’approchèrent du petit garçon.
- Salut, moi c’est Danel, se présenta l’un des enfants.
- Et moi May, dit une petite fille.
Les enfants voulaient tous se présenter en même temps, sauf un, qui restait à l’écart. Danel s’approcha du garçon isolé.
- Allez Tonec, viens saluer le nouveau !
- Fiche-moi la paix gamin, exigea le dénommé Tonec.
- Tu pourrais au moins te présenter ! lança Danel avec beaucoup de courage, sous les exclamations de stupeur des autres.
Tonec était une brute sans pitié, qui prenait plaisir à leur jouer de méchants tours et à les taper. Celui-ci empoigna brutalement le pauvre Danel, qui n’en menait pas large.
- Tu me donnes un ordre là, morpion ? hurla-t-il en serrant sa main autour du col de la chemise du malheureux.
- N… no… non, balbutia celui-ci avec crainte.
- T’es bien sûr de toi ? beugla Tonec.
Danel se mit à trembler de tout son corps et des larmes commencèrent à couler sur ses joues.
- Je… je… vou… voulais… pas, chouina le petit garçon.
Caché derrière la mêlée d’enfants, Roarik observait la scène en tremblant.
- Ah, alors tu voulais pas, c’est ça ? se moqua Tonec avec un sourire narquois aux lèvres. Et bien moi je voulais pas faire ça non plus ! ricana-t-il.
Sur ces mots, il balança Danel à travers la chambre, le malheureux se prenant un mur de plein fouet. Tonec regagna son coin à l’écart des autres tandis que les enfants se précipitaient vers Danel. Roarik suivit le mouvement en direction du petit garçon, qui reprenait peu à peu ses esprits après le choc. Heureusement pour lui, il n’avait rien, il était simplement secoué. Roarik appris à se méfier de Tonec et l’évitait tant qu’il le pouvait. 

Son premier jour à l’orphelinat avait été riche en émotions. Au début petit garçon timide et réservé, il se fit des amis petit à petit parmi les autres enfants. Un matin, il se mit à réfléchir, les yeux dans le vague, alors qu’il aidait Mamie Ji à préparer le repas. Le voyant songeur, la vieille dame lui demanda :
- Qui y-a-t-il, mon petit ?
L’enfant se tourna vers elle en finissant de couper les légumes. 
- Pourquoi je suis ici ?
La vieille femme le regarda un instant.
- On ne t’a donc pas expliqué ?
Il secoua négativement la tête et se réinstalla sur le tabouret ou il était assis. Mamie Ji poussa u soupir. Elle allait devoir lui expliquer. 
- Si tu es ici, mon petit Roarik, c’est que tes parents sont… Elle marqua un temps d’arrêt, cherchant les bons mots. Tes parents sont partis, termina-t-elle.
- Mais ils vont revenir ? demanda l’enfant, plein d’espoir.
La vieille dame ne répondit pas et continua d’éplucher les légumes pour le repas.

Plus tard, dans la vaste chambre de l’orphelinat, Roarik était assis sur son lit. Il était entrain de dessiner sur une feuille « emprunter » à Mamie Ji. Sur le papier se trouvait un homme, une femme et un enfant. Un soleil brillait et la mer scintillait au loin. Les autres enfants s’étaient approcher pendant qu’il dessinait.
- Sa représente quoi ? questionna May.
Roarik brandit fièrement la feuille devant lui.
- C’est mon papa, ma maman et moi, répondis-t-il. Mamie Ji a dis qu’ils étaient partis mais qu’ils reviendraient !
La vielle dame n’avait pas vraiment prononcés cela, mais dans l’esprit d’un enfant comme Roarik, une absence de réponse ressemble à un oui. Les orphelins se regardèrent, gêné. Eux savaient que leur parents et ceux de Roarik ne reviendraient pas, qu’ils étaient morts. Mais ils ne savaient pas comment le dire au petit garçon si plein d’espoir sans lui faire de peine.
- Y son crevés, tes parents, le môme ! ricana Tonec, qui s’était avancer en silence.
Les yeux de Roarik se remplirent de larmes.
- Non, c’est pas vrai, tu mens ! hurla le petit garçon.
Les enfants se mirent à pousser des cris de colère contre Tonec , qui, indifférent à tout se vacarme pourtant contre lui, retourna dans son coin. Danel et May, qui étaient devenu comme des frères et sœurs pour Roarik, s’efforcèrent de le réconforter. Après cet incident, Roarik humiliait Tonec autant qu’il le pouvait.

 Quelques années plus tard, un drame vint perturber la bonne marche de l’orphelinat. Mamie Ji mourut d’une terrible maladie du cœur. Les enfants se retrouvèrent désorientés. Il n’y avait pas d’autre orphelinat dans la ville. Personne ne se préoccupait de leur avenir. On les expulsa de force du bâtiment et ils furent contraints de trouver un abri ou ils le pouvaient. En l’espace d’un instant, ils étaient devenus des vagabonds, les plus jeunes étant réduits à mendier les passants, les plus vieux à dérober de l’argent ou de la nourriture. Petit à petit, eux qui étaient toujours restés ensembles, ils se séparèrent, même si les plus jeunes avaient moins de chances de survivre sans leurs aînés.
Un jour, que Roarik marchait vers le port avec Danel pour tenter de trouver quelque chose à manger, ils virent un marchand de pommes. En voyant les fruits, ils en eurent l’eau à la bouche. Il n’en avait jamais mangé et avaient grande envie d’y goûter. Ils décidèrent d’en dérober. Discrètement, en silence, ils se glissèrent sous l’étalage pendant que le marchand était occupé. Alors qu’ils s’apprêtaient à saisir un des fruits juteux, une grosse voix furieuse les fit sursauter. 
- Ah, sales petits garnements ! Je vous y prends à essayer de voler mes pommes !
Le marchand les regardaient, furibond. Il les sortit brutalement de sous l’étalage, en tenant un chacun à bout de bras. Les quelques passants, curieux, s’approchèrent. Les deux enfants se débattaient tant qu’ils pouvaient pour tenter de s’échapper. Ils finirent par y arriver et ils détalèrent rapidement. Mais ils entendaient les bruits de pas du marchand derrière eux. Celui-ci s’était lancé à leur poursuite.
Trop occupé à surveiller la distance entre eux et le marchand, Danel et Roarik arrivèrent sans s’en apercevoir au bout du port et ils chutèrent. Heureusement pour eux, le quai se continuait encore un peu par une plateforme à moitié lécher par les flots. Mais Danel dérapa sur une flaque d’eau en se relevant et tomba à l’eau. Il tenta de s’agripper au bord, sans succès, et agitait les bras en tout sens. Roarik voulut l’aider, mais le marchand l’attrapa par le col de son vêtement miteux.
- Ou cours-tu comme cela, petit vagabond ? se moqua le marchand de pommes.
- Je vous en supplie, aller aider mon ami ! plaida Roarik. Il ne sait pas nager, il va se noyer !
- Tant mieux ! ricanèrent les personnes présente. Cela fera un voyou de ton espèce en moins dans cette ville !
Alors que Danel disparaissait, engloutit par les flots, Roarik se démena comme un beau diable pour se libérer. Il y réussit et se dépêcha prendre ses jambes à son cou. Mais une nouvelle fois, le marchand le poursuivait, accompagné d’un autre homme à l’air encore plus sévère et plus féroce. Le jeune garçon passa dans un dédale de rues sans parvenir à semer le marchand de pommes. L’homme à l’allure féroce avait disparu quand il jeta un coup d’œil derrière son épaule pour évaluer son avance. Sans s’en rendre compte, il mena son poursuivant à l’endroit ou il se cachait avec Danel et May. Des larmes de colère coulaient le long de ses joues tandis qu’il courait. Quand il réalisa ou il se trouvait, c’était déjà trop tard. Le marchand avait empoigné May tandis que Roarik eu juste le temps de se cacher. Pensant qu’il avait disparu, son ancien poursuivant repartit en emportant sa prisonnière, qui ne cessait de se débattre.
Quand Roarik sortit de sa cachette, il pleura pendant un long moment des larmes de colère et de tristesse. Il se sentait coupable de ne pas avoir pu sauver Danel et de ne pas avoir volé au secours de May. Tout à sa douleur, il n’entendit pas venir l’homme à l’allure féroce, qui l’avait finalement retrouvé. Il tenait à la main une longue barre qui paraissait relativement solide. Avant que le garçon ne puisse réagir, l’homme l’avait empoigné solidement et avait appliqué la barre, qui se révélait être brûlante, sur le bras droit de Roarik. Ce dernier hurla de douleur sous la chaleur. Après un moment, l’homme le relâcha et partit en disant :
- Voilà se que l’on fait aux voleurs dans ton genre !

 
De nos jours…

 
Roarik cligna des yeux pour chasser les souvenirs de son enfance. La brûlure faite par l’homme et sa barre brûlante avait guérit et formait une longue cicatrice qui partait de l’épaule jusque dans sa paume. De plus, elle était bien visible et rappelait sans cesse au jeune homme son passé. Danel était mort noyé et May avait disparue. Ce jour-là, quelque chose s’était brisée en lui. Je n’ai plus jamais été le même… Par la suite, il était devenu un voleur, un assassin, voilà à quoi se résultait désormais sa vie.
Tu peux encore changer !
Roarik sursauta. Voilà qu’il entendait la voix de Danel. Lui qui était mort par sa faute, temps d’années auparavant.
Il est encore temps de racheter tes erreurs !
Mais d’où venait cette voix sortit de nulle part ? Il ne rêvait pourtant pas ! Ou alors il était entrain de devenir fou !
Épargne la vie de la fille…
Il détermina enfin d’où venait-la voix, qui résonnait maintenant dans sa tête, dans son corps tout entier. Était-ce vraiment Danel ? Pouvait-il réellement changer ? Maintenant ? Après tant de temps ? Racheter toutes ses « erreurs » ? En était-il vraiment capable ? Roarik était complètement perdu. Il poussa un hurlement et s’appuya contre un mur.

 En bas, dans sa cellule, Souani écoutait les bruits à l’étage, les bruits que faisait son ravisseur. C’était tout se qu’elle trouvait à faire pour passer le temps, tromper le temps, hormis compte les barreaux qui composaient sa prison, se qui ne devait pas être d’un grand divertissement ! Elle réfléchissait à un plan pour sortir d’ici, enfermer entre ses quatre murs, à en devenir folle. Rien, rien ne venait. Elle ne trouvait pas le moyen de s’évader. Se n’était pas faute d’avoir quelques idées, mais toutes étaient irréalisables. Qu’allait-elle faire maintenant, sans plan ? Allait-elle se laisser mourir pour ainsi faciliter la tâche sordide de son ravisseur ?

15 décembre 2015

8 – Cascade

Une vieille jument trottait, plus qu’elle ne galopait comme l’aurait souhaité sa cavalière, sur un chemin de terre ou se mêlait les hautes herbes dans ce coin peut fréquenter d’ordinaire. Les alentours semblaient calmes et pas un oiseau ne planait dans le ciel. Ils avaient tous été chassés par les ranils envoyés par le Grand Conseil. Le vent restait silencieux, lui autrefois si joyeux en des temps plus heureux, même lui semblait avoir peur de l’emprise des sorciers noirs sur le monde. La cavalière fit ralentir sa jument à l’approche de la fin du chemin. Elle regarda un moment autour d’elle, fixant les arbustes qui bordaient chaque côté de la route de terre. Au moins, le coin n’a pas changé depuis la dernière fois, songea Sinano.
Elle descendit de cheval et prit la bride entre ses mains, se dirigeant droit devant elle, sa monture la suivant après une hésitation, les oreilles couchées en arrière. Plus Sinano avançait, plus la jument devenait agité. Peu à peu, les arbustes laissaient place à une nouvelle sorte de végétation et de paysage. Les très grands arbres avaient succédé aux arbustes et le terrain plat s’était modifié jusqu’à devenir une haute montée. Quand la magicienne fut arrivée en haut, elle ne découvrit que le vide.
En regardant vers le bas, elle aperçut une rivière secouée par les rapides. La rivière n’était pas comme cela avant, pensa-t-elle. Qu’à-t-il bien pût se passer ici ? Sur sa droite, elle remarqua un tronc d’arbre qui formait un pont entre les deux rives. Elle se rendit compte, en l’examinant du regard, que l’écorce était pourrie et qu’elle pourrait bien céder sous ses pas. En temps normal, elle n’aurait pas traversé dessus, mais elle n’avait pas le choix, elle devait passer de l’autre côté et se rendre à Tasano…
Elle se mit donc à avancer vers le pont de fortune. Derrière elle, la jument s’agitait et tentait de reculer, en vain. Elle avait les oreilles couchées à nouveau en arrière et paniquait. Malgré tout, Sinano la fit s’engager sur le tronc, passant devant pour tenter de la rassurer. Elles marchaient lentement, un pas après l’autre, avec prudence. L’écorce craquait dans un bruit effrayant. La jument se mis de nouveau à avoir peur, roulant presque des yeux, comme rendue folle par la panique. Elle avançait et reculait, se cabrant même, sans vraiment avoir conscience de se qu’elle faisait. Le bois se brisait avec plus de force sous ses sabots. La magicienne essayait de la calmer, de rattraper sa longe, mais l’animal lui échappait.
Soudain, un bruit sourd la fit se stopper net, comme figée. La seconde d’après, le tronc se brisait en deux, et elle se mit à glisser le long du bois sans pouvoir se raccrocher à quelque chose. Sa jument chuta en même temps qu’elle, tombant comme une pierre sous sa masse plus imposante que celle de sa cavalière. Sinano réussit enfin à attraper une liane qui poussait sur le bord de la falaise et s’y agrippa autant qu’elle le pouvait. Elle ne pouvait pas utiliser ses pouvoirs, ou elle serait alors tuée à coup sur.
Elle resserra ses doigts autour de sa prise et regarda vers le bas. Sa jument tentait de garder sa tête hors de l’eau tandis que les affaires qui se trouvaient attaché à sa selle se faisaient entrainer par le courant. L’animal ne tarda pas à être emporter à son tour et à se retrouver engloutit par les eaux tumultueuses. Un craquement lui fit relever la tête. La liane commençait à se briser petit à petit sous son poids. Elle se détachait peu à peu de la falaise et les mains de Sinano glissaient sur la plante. En observant les parois abruptes, elle ne vit malheureusement rien qui lui aurait permis de ne pas lâcher prise.
La liane émit un nouveau craquement et céda. Sinano abandonna la plante, qui ne lui était plus utile, et se sentit tomber. Sous l’effet de la chute rapide, elle entendit le vent sifflé à ses oreilles. Puis ce fut le silence, quand elle se retrouva sous les flots tumultueux. Elle ouvrit la bouche pour respirer, mais elle n’avala à la place que de l’eau. Les yeux ouverts, elle vit des poissons, curieux, qui s’approchaient. Elle ne leur laissa pas le temps de la toucher et remonta à la surface. Aussitôt, elle prit plusieurs inspirations. Mais elle fut rapidement emporter par le courant. Elle était prise dans des rapides et ceux-ci la projetèrent avec fracas sur un rocher. Sinano s’y agrippa de toutes ses forces, mais ses doigts glissaient sur la pierre humide et le courant était trop fort.
Elle ne tarda pas à être prise dans les eaux agitées. Les rapides l’entrainaient de rochers en rochers, la faisant se cogner avec violence sans qu’elle puisse trouver une quelconque prise.  Dès qu’il lui arrivait d’ouvrir la bouche pour prendre une inspiration, l’eau se déchaînait sur elle et lui emplissait la bouche, l’empêchant à moitié de respirer. Elle se retrouva plusieurs fois avec la tête sous les flots et elle essayait comme elle le pouvait de ne pas se retrouver engloutit aussi facilement que sa jument. Au fur et à mesure que les rapides la malmenaient, ses mouvements commençaient à se faire plus lents. Elle se fatiguait peu à peu à se débattre dans une eau plus forte qu’elle. Elle regrettait amèrement de ne pas pouvoir utiliser ses pouvoirs pour se sortir de là et maudissait le Grand Conseil intérieurement.
Un bruit, plus assourdissant que les fracas des flots, parvint à ses oreilles entre deux moments où elle ne se trouvait pas submergée par l’eau. En réussissant tant bien que mal à regarder dans la direction d’où, lui semblait-il, parvenait le bruit, elle vit comme de la brume dont elle se rapprochait rapidement. Plus elle se rapprochait en tentant toujours de garder la tête hors de l’eau, plus le bruit augmentait. Les rochers dépassant des flots se faisaient plus rares au fur et à mesure qu’elle approchait de la brume. Elle tentait toujours de s’y accrocher, mais ses doigts glissaient toujours sur la pierre humide et elle ne trouvait aucune prise sur les bords de la falaise. C’est quand elle fut arrivé à la hauteur des dernières pierres qu’elle réalisa vers quoi elle se dirigeait. Ce n’était pas une simple brume. C’était des gouttelettes d’eau qui ne pouvaient être provoqués que par une seule chose… Une cascade ! pensa Sinano avec terreur.
Elle essaya encore une fois de s’agripper aux derniers rochers, mais en vain. La force du courant augmenta soudainement et la magicienne fut pousser par une puissance tel qu’elle n’en avait jamais vue. En l’espace de quelques instants, elle se retrouva au bord de la cascade et bascula dans le vide…

Des oiseaux, plus précisément des rapaces, tournaient en rond dans le ciel. Le soleil tapait fort et la rivière coulait doucement dans un léger bruit agréable à entendre. Plus loin, la cascade se faisait à peine entendre, son fracas étant atténuer par la végétation luxuriante présente sur les deux rives. Sur l’une d’elle se trouvait un large banc de sable ou se trouvait quelques sacs échoués là par la cascade.
Sinano ouvrit lentement les yeux et vit les rapaces qui tournaient autour d’elle dans les airs, espérant pouvoir la dévorer. Mais malheureusement pour eux, la magicienne était bel et bien vivante. Elle se redressa doucement et reprit lentement ses esprits. En quelques instants, tout lui revint. Le tronc brisé, la noyade de sa jument, la liane cassée, les tumultes de la rivière, les chocs sur les rochers et enfin la chute dans la cascade. Elle se releva et entreprit d’inspecter les lieux autour d’elle du regard. La végétation était magnifique, comparé à la falaise avant la cascade. En regardant sur le sable, près de l’endroit ou elle était allongée, elle aperçut ses sacs. En fouillant à l’intérieur, elle se rendit compte qu’il lui restait sa carte et à peu près tout le reste qui était soigneusement protégé dans ses affaires, mais toutes ses provisions de nourritures pour le voyage avaient été emportées par les flots.
Un bruit discret, ténu, dans les fourrés non loin d’elle, lui fit relever la tête. Elle scruta les feuilles sans bouger et attendit. Quelques instants après, un faefae[1] sortit de sa cachette, tenant un fruit entre ses pattes. En ne quittant pas Sinano du regard, lentement, il déposa le fruit devant elle puis recula précipitamment. 
- Salut toi, dit doucement la magicienne en regardant le petit animal. Ne crains rien, je ne vais pas te faire de mal.
Elle approcha sa main du faefae et celui-ci, après une longue hésitation, avança le museau pour la renifler. Sinano en profita pour le caresser du bout des doigts. L’animal se hérissa à ce contact mais compris qu’elle ne lui voulait pas de mal. Il leva la tête et la regarde longuement, comme s’il réfléchissait, penchant la tête d’un côté, puis de l’autre. Après un moment, le faefae se leva et grimpa rapidement sur l’épaule de Sinano. Cette dernière fut si surprise qu’elle se releva vivement.
- Aie ! s’exclama-t-elle.
Le petit animal avait planté ses griffes dans l’épaule de la magicienne pour ne pas tomber. Elle tourna la tête vers lui.
- Veux tu bien descendre toi !
Elle avança sa main pour le poser au sol, mais le faefae planta ses petites dents dans ses doigts. Elle retira vivement sa main tandis que l'animal affichait un air mi-satisfait, mi-amusé. Il s'assit sur l'épaule de la magicienne et la tapota du bout de sa queue. Puis il se releva et galopa le long de son bras, jusqu'à s’asseoir sur sa main. Il entreprit de tirer sur ses doigts à sa façon, comme pour l'emmener quelque part.
- Quoi ? Tu veux que je te suive ? Demanda Sinano au faefae.
Celui-ci fit un petit hochement de la tête et la magicienne suivit la direction qu'il indiquait en tenant sa main entre ses pattes. Il l’entraîna sur la berge de la rivière, s'enfonçant dans la végétation luxuriante. Elle marcha pendant un petit moment, puis le faefae lui fit lever la tête. Au dessus d'elle pendait de nombreux fruits et le pied de l'arbre était entouré par ces agrumes tombés sur le sol. Ayant emporté son sac, Sinano entreprit de ramasser les fruits, refaisant ainsi ses provisions de nourritures pour la suite de son voyage.
Puis l'animal la ramena sur la berge ou il l'avait rencontrer de la même façon qu'à l'allée. Elle le reposa au sol délicatement.
- Merci petit faefae, lui dit-elle. Au revoir.
Elle s'éloigna, la carte en main pour retrouver rapidement son chemin. Le petit animal resta un petit moment sans bouger, comme figé, et la regarda partir. Puis il se leva et galopa dans sa direction avant de disparaître dans l'herbe.

Sinano remonta la berge pendant un long moment. Après un temps de marche, elle finit par retrouver l'autre côté du tronc brisé ou elle avait traversé. Ou plutôt chuter. Alors qu'elle contemplait la route qu'elle allait suivre, elle sentit son sac remuer. Elle l’ouvrit, intrigué, et vit sortir la tête du faefae. Le petit animal la regardait, remuant son museau.
- Mais qu'est ce que tu fais ici ?
Pour toute réponse, le faefae plongea dans le sac avant de ressortir sa tête.
- Tu veux venir avec moi ? lui demanda la magicienne. Mais je ne peux pas t'emmener.
L'animal lui lança un regard suppliant à émouvoir un rocher. La jeune femme soupira et réfléchit un instant.
- Tu tiens vraiment à venir ?
Il hocha la tête en remuant de sa petite queue en panache.
- C'est d'accord, capitula Sinano.
Le faefae prit un air satisfait et s'installa à son aise dans le sac. Sinano éclata de rire et continua sa route. Il n'y avait aucun arbre sur le bord du chemin et pas un souffle de vent. Elle avait une deuxième rivière à traverser. Et sans cheval, le chemin allait être beaucoup plus long. Elle marcha pendant un long moment sur la route de terre et s'arrêta pour faire une pause. Le faefae lui grimpa alors sur les genoux, ayant toujours un air très satisfait.
- Que dirais tu d'avoir un nom ? lui proposa-t-elle en le caressant lentement.
Il remua vivement la queue et poussa un petit cri en signe d'approbation. La magicienne réfléchit un moment.
- Que dirais tu de t’appeler Fae ? S'exclama-t-elle.
Il poussa un nouveau cri, signe d'acceptation. La jeune femme lui fit un sourire et le remis dans le sac.
- Va pour Fae, lui dit-elle en souriant. On se remet en route, alors.
Elle se releva et reprit le chemin de terre. Elle espérait pouvoir obtenir un nouveau cheval dans la prochaine ville qu'elle traverserait. Mais elle en était bien loin et il lui faudrait d'abord traverser la rivière qui s'enfonçait dans la Forêt de Ti, à la fois si inquiétante et si mystérieuse…  



[1]Petit animal à poils marron ressemblant aux écureuils volants

23 octobre 2015

7

Une brume épaisse enveloppait peu à peu les ruines d’un petit village. Les murs de pierres étaient à moitiés écroulés, les toits des maisons détruits. Tout semblait avoir été ravagé par quelque chose. Par endroit, des corps sans vies étaient allongés sur le sol, ou contre un restant de mur. Autour du village, des arbres dénudés de feuilles, aux branches tordus, semblaient contrôler ce qu’il restait des maisons.
La brume s’écarta lentement, laissant apparaitre deux silhouettes, au milieu des décombres. Les silhouettes s’avancèrent, une lumière brillant dans la main de l’une d’elle, contrôlant le brouillard. Un esalmias châtains, aux cheveux courts, avec un visage entre la douceur et la froideur, portant un fin bandeau marron très pâle, retombant légèrement devant l’oreille droite,  un costume gris clair avec une pierre orangé incrusté, et un homme avec de longues ailes de masans[1], aux courts cheveux noirs comme la nuit, à la peau pâle, portant une tenue ou le noir et le bleu se mêlaient, et de hautes bottes de la même couleur que ses cheveux, marchèrent sur un chemin de terre battu par mains passages, s’arrêtant derrière un mur à moitié effondré.
L’homme fit apparaitre une boule de magie noire dans sa main. Dans une petite explosion, il la projeta devant lui, et la boule se transforma en un rectangle sombre. A l’intérieur apparut une jeune femme à la peau grise, aux longs cheveux noirs, aux grandes ailes aussi foncé que ses cheveux, portant une longue robe et des gants noirs ainsi qu’une sorte de couronne en bois gris entrelacés. Elle avait dans sa main droite un long morceau de bois noir bien droit.
La jeune femme fixa les deux hommes l’un après l’autre avant de prendre la parole.
- M’apportez-vous de bonnes nouvelles ? demanda-t-elle d’un ton cassant.
Les deux hommes s’inclinèrent respectueusement avant de se relever.
- Oui, sorcière Damane, répondit l’esalmias. Celui que vous attendez est bien arrivé. Il fit une pause avant de reprendre. Et le paquet à bien été supprimé, termina-t-il.
Damane la sorcière fronça les sourcils en les regardant.
- En êtes vous sur ?
L’homme courba la tête.
- Heu… c'est-à-dire… hem…
Damane les fusilla du regard et fixa l’homme.
- Afan, tu seras chargé de t’assurer que le travail a été fait correctement, dit-elle. Tes pouvoirs de fées devraient t’y aider… et gare à toi si tu ne te dépêche pas !
Le dénommé Afan inclina la tête en signe de soumission.
- Part maintenant et ne me recontacte qu’une fois cela accompli ! ajouta Damane.
- Bien, sorcière Damane.
L’homme se releva et disparut rapidement dans la brume à grands pas. L’esalmias se contenta de regarder le visage de la sorcière, qui semblait toujours furieuse.
- Maliec, fais venir notre invité, ordonna la sorcière.
Maliec acquiesça et s’éloigna un moment du rectangle magique. Quand il revint, il était accompagné d’un esalmias blond en armure. Il était trainé par Maliec et fut soudainement projeter au sol par la brutalité de ce dernier. Dans le rectangle, Damane ricanait.
Maliec, qui s’arrangea pour empêcher l’esalmias de s’enfuir, un sourire peu amical sur le visage. L’esalmias blond tremblait de peur.
- Alors, général Siladan, on a peur de deux ennemis alors que vous êtes réputés pour en avoir assassiné des centaines ? se moqua la sorcière.
Le général lança un regard plein de colère et de terreur à Damane, qui sourit.
- Que me voulez vous ? demanda-t-il.
Maliec eu un petit rire tandis que la sorcière souriait d’un air inquiétant.
- Je pense que vous le savez déjà, n’est ce pas, général ? demanda Damane.
Le général Siladan secoua la tête.
- Je n’ai rien, rien qui puisse vous intéressez, dit-il rapidement.
Maliec le plaqua sur le sol, sortant une dague et la pointant sur le cou du prisonnier.
- Ho, mais nous ne voulons pas d’armes, ni de matériels, ricana la jeune femme dans le rectangle magique. N’est ce pas Maliec ?
- Effectivement, approuva celui-ci en accentuant la pointe de la dague.
- Je ne dirais rien, jamais ! s’exclama le général.
Maliec resserra l’emprise de la dague sur le cou de l’esalmias et se pencha à son oreille.
- Êtes-vous sur d’avoir le choix ? murmura l’esalmias châtain. Si vous parlez, vous aurez la vie sauve… susurra-t-il.
Il appliqua lentement la lame de la dague sur le cou du général, qui se mit à trembler de plus belle, terrifié. Il ne dit rien pendant un moment, semblant en pleine réflexion. La sorcière, elle, affichait toujours son terrible sourire, sûre du choix de sa victime.
- Je vais parler ! couina soudain le général Siladan. Je vais parler !
Maliec le relâcha et s’éloigna de deux pas en maugréant :
- Quel mauviette ! Et trouillard en plus ! Et sa se prétend général ! On se demande qui recrute les soldats !
Damane fit comme si elle n’avait pas entendu les murmures de son sous-fifre et fixa le général.
- Par ou peut-on être sur d’envahir le Royaume des Esalmias tout entier ? dit-elle de son étrange sourire.
A ces mots, le visage du général Siladan se décomposa lentement. Derrière, Maliec ricanait en silence. La sorcière regarde le général blond avec attention et une certaine satisfaction.
- Alors ! fit-elle. Par ou peut-on envahir le Royaume des Esalmias ? N’ais-je pas été assez clair sur le sujet ?
Elle fit un signe à Maliec, qui se munit une nouvelle fois de sa dague et la plaça contre le cou de sa victime.
- Par ou peut-on passer ? demanda-t-il d’un ton menaçant.
Le général Siladan tremblait de peur. Il ne voulait pas mourir. Il regarda successivement la sorcière et l’esalmias.
- Je… les troupes se sont retirés à Veltiem… si vous encercler la ville… et que vous détruisez la forêt de Mensofem… vous… vous aurez gagné, lâcha le général à contre cœur. Mais par pitié, ne me tuez pas… s’il vous plait…, gémit-il.
La sorcière eu un nouveau sourire pour le moins cruel.
- Le Maître appréciera ses renseignements, lança-t-elle.
Elle fit un signe de la main à Maliec avant de s’assoir dans un fauteuil. L’esalmias entraina alors le général à l’écart, le trainant derrière lui pour l’éloigner légèrement du rectangle magique.
- Non… non… nooonnn… nooo…
Son dernier cri de supplication mourut sur ses lèvres quand Maliec lui enfonça la dague dans la gorge en ricanant.
- Sale lâche, maugréa-t-il en ôtant sa dague.
Le corps retomba mollement sur le sol, le sang s’échappant encore de la blessure. Le général regardait le ciel sans le voir. Maliec entreprit de nettoyer la lame de sa dague avant de retourner près du rectangle.
- Voila une chose de faite, fit-il remarquer.
Damane tapota du bout du doigt la table qui se trouvait devant elle en le regardant.
- Je vais transmettre les informations au Maître, dit-elle. Toi, en attendant, tu réuniras nos armées, qu’elles se tiennent prêtent à assiéger Veltiem ! Détruisez la ville et ne faites aucun survivants, brûlez tout sur votre passage… refaite moi le même carnage qu’ici, à Kerenos !
Elle partit d’un éclat de rire sombre. Maliec s’inclina en regardant le rectangle magique.
- Et pour la forêt, que fait-on ?
Damane réfléchit un moment.
- Réuni quelques-uns de nos fidèles, ordonna-t-elle. J’ai un plan... et bientôt, les esalmias tomberont !
Elle éclata d’un rire inquiétant tandis que Maliec esquissait un sourire narquois et victorieux. Autour d’eux, la brume se faisait plus épaisse. Les ruines de la ville de Kerenos avaient une atmosphère peu rassurante. La sorcière se leva de son siège et s’éloigna. Le rectangle magique s’éteignit et s’effaça dans les airs. Nulles traces ne devaient rester de cette discussion.
Le corps du général devait disparaitre. Maliec retourna près du cadavre et entreprit de l’enterrer rapidement. Il devait faire vite et retourner auprès des troupes. Damane ne mettrait que peu de temps à parler au Maître, et il devait être présent pour le siège de Veltiem. Il tenait à assister à la défaite des esalmias. Une fois le corps enterré, il s’éloigna lentement en traversant la brume épaisse.
Derrière lui, cette dernière enveloppait les restes du village. Maliec arriva devant un portail magique que son camarade avait ouvert en arrivant. Il jeta un dernier regard sur le village et s’engouffra dans le portail, qui se referma derrière lui.
Rien ne laissait à penser que d’aussi inquiétantes décisions avaient été prises dans ce lieu abandonné. 



[1] Les masans sont des sortes de corbeaux

19 octobre 2015

6 – Alnoum

Une flamme brûlait dans une lampe posée sur une table en bois. Autour, la pièce n’était que désordre et étrangeté. Des bouteilles pleines de sable pendaient du plafond, des plantes séchées étaient accrochés en hauteur par des ficelles, des bocaux sur des étagères étaient remplis de fleurs ou de mixtures aux couleurs inquiétantes. Des cornes d’animaux intactes ou pilés étaient posé sur un établit dans le fond de la pièce, ou était déjà disposé divers récipients noirs.
Quelqu’un frappa à la porte de la pièce.
- C’est ouvert ! fit une voix qui venait de, semble-t-il, nulle part.
Kathleen entra et regarda autour d’elle.
- Dis donc, qu’elle bazar tu a ici ! Je me demande se que tu peux bien fabriquer, dit-elle. Enfin, toi et tes pouvoirs de sorcières !
Une jeune femme à la peau noire, aux cheveux marron assez claire attachés à l’arrière par en une sorte de chignons décorés à l’avant, au dessus des oreilles, par des fausses fleurs sur des filaments métalliques, aux longues et fines oreilles pointues et aux petits yeux vert très pâle maquillés de noir sur les cils, pénétra dans la pièce par une autre porte à demi dissimulée sous plusieurs choses étranges.
- Chut ! fit-elle en mettant un doigt devant ses lèvres. Quelqu’un pourrait t’entendre et s’en serait fait de moi, tu le sais !
Kathleen fit quelques pas dans la pièce encombrée.
- Je sais, je sais.
La jeune femme dégagea un peu ses affaires pour pouvoir avancer.
- Alors ferme cette porte !
La fée s’exécuta soigneusement sous le regard de la sorcière. Cette dernière portait de ravissantes boucles d’oreilles en formes de plumes grises et noires. Un tour de cou noir enserrait sa gorge, avec un peu de dentelle et un petit ruban de la même couleur. Les manches de sa robe étaient en dentelles et lui couvraient seulement les épaules, tandis que sa robe était pour le moins décolleté, mais sans plus, lui arrivant jusqu’aux genoux. Le tissus était de la même couleur que son tour de cou et délicatement brodé de dentelle à certains endroits. Elle avait au pied de très fine chaussures noires, à tel point que l’on pouvait croire qu’elle était pied nus.
Kathleen observa d’un regard critique la pièce et tout se qui s’y entassait.
- Tu devrais penser à faire du rangement, Alnoum, remarqua-t-elle.
La sorcière repoussa une mèche de ses cheveux et poussa un soupir.
- Je sais, mais je n’ai pas le temps, j’ai trop de choses à faire, tu sais comment est la reine.
Son amie secoua la tête d’un air résigné.
- Peut être, mais un jour, tu risque d’être découverte par elle.
Alnoum haussa les épaules et jeta un regard à un de ses bocaux.
- Pourquoi est tu venu au fait, autre que pour critiquer mon manque de rangement ? ironisa-t-elle.
- Je voulais que tu consulte les dieux… pour vérifier une prophétie que les Aliectes m’ont révélée ce matin.
Alnoum hocha la tête sans rien dire et se mit à farfouiller parmi ses affaires entassés dans la pièce. Des livres ou des grimoires volaient un peu partout, une boite de plumes et d’encre roula au sol, des parchemins anciens et jaunit par le temps s’éparpillèrent. Après un certain temps à chercher, elle mit la main sur une boite en fer légèrement cabossé, qu’elle déposa lentement sur la table.
- Tu es prête, Kathleen ?
La fée approuva sans rien dire, fixant la boîte d’un air anxieux. La sorcière ouvrit la boîte et déposa sur la table un os, une plume, une pierre, un petit bout de bois et une feuille. Elle prit le tout dans ses mains et se mit à les agiter lentement mais vigoureusement. Puis elle lança le tout sur la table comme on lance un dé. Les objets s’éparpillèrent sur le bois, près de la lampe ou brûlait encore une flamme vivace. Alnoum observa un long moment les objets en restant silencieuse.
- Alors, que disent les dieux ? demanda Kathleen.
Son amie poussa un soupir avant de répondre d’une voix résignée.
- Ils seront sept cœurs purs, de peuples différents, à s’opposer aux sept âmes noires et alors la fin surviendra pour Mélom Doum…
La sorcière rangea ses objets et referma soigneusement la boîte en fer.
- La prophétie se confirme, murmura la fée.
Alnoum alla déposer la boîte sur une étagère déjà encombrer de bocaux et revint près de la table.
- Peut être que cette prophétie n’annonce pas la fin de notre monde, mais plutôt la fin dont nous le connaissons actuellement, suggéra-t-elle.
- Je n’y crois pas… sinon les dieux et les Aliectes auraient été plus clair sur le sujet, fit Kathleen, buté.
- Ils ne sont pas toujours clairs, et tu le sais, toi la première.
Kathleen n’écouta pas les conseils de son amie et sortit. Alnoum resta seule dans la pièce, à contempler le peu d’ordre dans lequel elle vivait.
- Je vais faire un peu de rangement, décida-t-elle en soulevant plusieurs parchemins.
Un bruit retentit à l’entrée, à nouveau.
- Qui cela peut-il être cette fois ? grommela la sorcière. Décidément, sa n’arrête pas ce soir !
Malgré tout, elle alla ouvrir. Satini, la conseillère de la reine, se tenait devant elle.
- Ho… bonjour Satini, la salua Alnoum avec un petit signe de tête.
Elle fit entrer la conseillère.
- Que me vaut ta visite ? questionna la jeune femme.
Elle la fit assoir devant la table et s’assit elle-même.
- Je pense que tu le sais déjà, non ? répliqua Satini.
- La prophétie, j’imagine, soupira Alnoum. Tu veux des informations supplémentaires et tu veux savoir si les dieux confirment se qu’on prédit les Aliectes…
La conseillère de la reine approuva de la tête.
- Les dieux confirment la prophétie, mais tu t‘y attendais, je pense, lui dit la jeune femme.
- Oui, effectivement.
- En ce qui concerne des informations supplémentaires, je n’en sais pas plus que toi, malheureusement. Les dieux ne sont jamais très clairs, surtout en ce qui concerne les prophéties.
Satini regarda la jeune femme qui était son amie fermement.
- Et toi, qu’en penses-tu ? Se sera ton avis que la reine voudra entendre, pas le mien.
 Alnoum prit le temps de réfléchir avant de répondre.
- Je pense que cela signifie la fin du monde, mais seulement tel que nous le connaissons. Que le Grand Conseil pourrait être détrôné.
- Mais tu sais comme moi que la reine ne serait guère contente d’apprendre cela.
- Évidemment qu’elle ne sera pas contente, ces magiciens la manipulent à leur guise, comme une poupée de chiffon ! Se qu’il faudrait… c’est qu’on lui dise une fausse interprétation et que l’on garde pour nous le vrai sens de cette prophétie.
- Tant que la paix revient parmi les nôtres… soupira Satini. Mais que pourrais-tu dire ?
Alnoum réfléchit un moment, songeuse.
- Que tout ceci n’est que mensonge et qu’il ne faut pas que la reine s’en occupe. Je ne peux pas lui faire parvenir une fausse interprétation vu l’ampleur que va prendre cette prophétie, si elle se réalise… même si se que prédisent les Aliectes et les dieux se réalise toujours.
- Je lui ferais parvenir ton « avis » sur la prophétie.
- Mais tout cela peut très bien se dérouler dans quelques mois, quelques années ou encore dans un siècle, nul ne sait quand cela arrivera…
Alnoum se leva et raccompagna Satini à la porte en slalomant entre les parchemins et les bocaux posé au sol. Quand elle fut partie, la sorcière poussa un soupir.
- Espérons que cela se réalise bientôt…
Elle souleva plusieurs parchemins et quelques livres poussiéreux et se dirigea vers la pièce d’à coter en réfléchissant à tout cela.

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19 octobre 2015

5 - Kathleen

- Kathleen, viens ici tout de suite ! lança une voix sur un ton impérieux. Kathleen !
Le crie de la Reine des Alnys, Ilaani, résonna dans tout le château, faisant presque trembler les murs de pierre blancs. Sur un trône de la même consistance que les murs, une fée toute vêtue de blanc, avec un diadème sertie d’une pierre doré foncé lui retombant sur le front, avec de nombreux colliers autour du cou, et surtout sans ailes, était assise et regardait la grande salle autour d’elle d’un air de mécontentement. A coter d’elle se tenait sa conseillère, Satini, une fée dépourvue d’ailes, à la longue chevelure rousse ondulé, portant une longue robe marron pâle, un bandeau de la même couleur ornant ses cheveux auquel sont rattachés de fausses ailes beige qui ajoutaient au prestige de sa tenue. Autour de son cou se trouvait une gracieuse  collerette rouge pâle.
Dans le Royaume des Alnys, la domination du Grand Conseil est tel qu’il arrive à supprimer les ailes des fées et à forcer les sorcières et sorciers à se cacher et à cacher leurs pouvoirs. Sa domination sur ce peuple composé de sorciers et de fées est totale. La Reine lui est soumise par la peur, pensant faire au mieux pour son peuple. De ce fait, les fées n’ont plus d’ailes et ne peuvent donc plus voler tandis que les sorciers et les sorcières se voient obliger de se cacher. Certains ont été surpris et plus personne ne les a jamais revus.
La reine Ilaani commençait à perdre patience.
- Kathleen ! Kathleen ! hurla-t-elle à nouveau, sa voix se répercutant sur les murs.
La porte de la salle était grande ouverte et donnait directement sur un long couloir décorés de lourdes tapisseries des temps passés. Une silhouette apparut alors dans le couloir et se dépêcha d’entrée dans la pièce.
C’était une ravissante fée, sans ailes, aux longues oreilles d’elfes auquel était attachées plusieurs boucles d’oreilles d’un doré passés. Ses longs cheveux châtains foncé étaient noués en une seule tresse qui retombait dans son dos. Sur le devant, une sorte de coiffe ornementée avec des motifs rappelant la nature lui enserrait le front et reposait sur ses cheveux. Elle avait un tatouage rappelant la nature, un petit, au coin de l’œil droit, et un autre, plus en longueur, sous l’œil gauche qui remontait jusque vers les tempes. Elle avait un autre grand tatouage qui rappelait la nature dans le cou et un autre assez long sur son bras gauche, qui commençait au niveau de l’épaule pour finir au niveau du poignet. Elle portait de nombreuses petites bagues dorées pâles aux doigts et un bracelet de la même couleur au poignet droit. Elle était vêtue d’une légère robe rose assez pâle qui se terminait au niveau de ses chevilles, ou elle portait d’ailleurs de légers bracelets dorés.
Kathleen, car tel était son nom, s’approcha de la reine et s’inclina.
- Que désir votre majesté ? demanda-t-elle.
La reine Ilaani la regarda d’un œil critique.
- Lis-moi mon avenir !
Kathleen se releva et dévisagea la souveraine.
- Sauf votre respect, majesté, mais je ne peux pas prédire l’avenir, dit-elle tranquillement.
La conseillère, Satini, ne bougea pas et observa en silence. La reine ne dit rien pendant une seconde, puis elle entra dans une colère terrible qui ferait se sentir coupable la plus douce des créatures. Mais Kathleen ne réagit pas rien et attendit sereinement que l’orage passe. Ilaani se calma peu à peu.
- Alors vas-t-en, tu ne m’es guère d’utilité si tu ne peux même pas lire l’avenir, lança-t-elle d’un ton acide et plein de mépris. 
Kathleen ne se le fit pas dire deux fois et sortit rapidement de la salle avant que la reine n’est l’idée de la rappeler. La jolie fée marcha dans les couloirs, pied nue. Elle entra ensuite dans une grande bibliothèque. C’était la seule qui n’ai pas été détruire par les armées du Grand Conseil. Elle s’assit ensuite sur une table et parcourus la salle du regard, comme si elle cherchait quelqu’un.
Kathleen était une devineresse au service de la reine depuis maintenant de nombreuses années. Elle était dans ce château depuis bien longtemps et le connaissais parfaitement. Malgré qu’elle se répète chaque jour un peu plus, la reine continuait de demander à se qu’elle lui lise son avenir. Mais toute devineresse qu’elle était, elle ne pouvait pas prédire l’avenir. Elle interprétait seulement les positions des étoiles dans le ciel et les présages des dieux.
Une jeune femme entra dans la pièce par une petite porte, portant une pile de parchemin qui manquait de dégringoler à chaque pas.
- Alors, elle t’a encore demandé que tu lui lises son avenir ? demanda-t-elle.
Kathleen se leva et prit une partie des parchemins avant qu’il ne tombe. Le visage de la jeune femme apparut au dessus des feuilles. Elle avait un doux visage encadré de ravissantes boucles châtains claire et de beaux yeux gris. Un petit serre tête en fine perle beiges lui enserrait délicatement le front, avec, en son centre, une pierre noire.
- Encore et toujours depuis ses dernières années, répondit Kathleen en soupirant.
Les deux filles posent les parchemins sur la table et échangent un sourire. La jeune femme, Amaya, portait un fin collier de perles blanches autour du cou et une légère robe blanche qui lui arrivait jusqu’au chevilles. Elle était la fille de la reine Ilaani et avait elle aussi perdue ses ailes de fées.
- Et encore et toujours jusqu’à ce que le Grand Conseil parte de nos terres, renchérit Amaya.
Kathleen observa les rouleaux de parchemins déjà étalés sur la table, et ceux qu’elle venait de déposer.
- Tu faisais des recherches ?
Kira attrapa un des parchemins et le lui montra. Il représentait la carte du monde de Mélom Doum.
- Je voulais en savoir plus sur le Monde Inconnu, je me demande se qu’il y a là bas.
Elle désigna d’un doigt la terre située au-delà de la Mer des Vents.
- Notre peuple est coupé du monde qui l’entoure à cause du Grand Conseil, dit-elle. Mais quand je serais reine, j’enverrais des expéditions dans le Vaste Océan.
- Pour quoi faire ? Il n’y a rien plus loin, hormis le vide !
Elle posa sa main sur le parchemin, mimant un bateau dans le Vaste Océan, et le fit se diriger vers le bord, puis chuter.
- Je suis persuadée qu’il y a quelque chose, lança Amaya en repliant le parchemin. Tout comme les marins de Tasano ont trouvés le Monde Inconnu, ceux d’Ohafa découvriront quelque chose.
Kathleen ne chercha pas à la détromper et laissa son regard se balader sur les nombreux parchemins.
- Tu voulais quelque chose de particulier, au fait ? demanda Amaya.
La fée devineresse reporta son attention sur elle.
- Je voulais savoir si tu avais quelque chose sur l’histoire des Alnys, tu sais, aux premiers temps de notre peuple, s’expliqua-t-elle.
- Je crois que j’ai sa quelque part, dit-elle. Je reviens.
Elle disparue par la petite porte par laquelle elle était arrivée un peu plus tôt. Kathleen s’assit sur la table. Elle entendait des frémissements venant de parchemins que l’on fouille. Après un moment, Amaya revint dans la salle avec une dizaine de parchemins dans les bras. Elle poussa un peu ses propres parchemins et posa ceux qu’elle tenait. Kathleen jeta un rapide coup d’œil sur la pile.
- Je vais en avoir de la lecture ! remarqua-t-elle.
Amaya partit d’un éclat de rire amusée et s’assit sur une chaise, imitée par Kathleen. Toutes deux se plongèrent dans la lecture des parchemins. Au bout d’un moment, Amaya releva la tête.
- Pourquoi voulais-tu savoir l’histoire de notre peuple ? Quel est le rapport avec ce qui se passe depuis ses dernières années ?
Kathleen sortit de ses lectures avant de répondre.
- Pour savoir si notre temps est révolu ou non, dit-elle.
Kira ne répondit pas et replongea dans ses nombreux parchemins. Avant que le Grand Conseil n’envahisse les terres des Alnys, c’était un peuple prospère. Les fées étaient très proches de la nature et s’en occupaient, les sorciers et les sorcières n’étaient pas obligés de se cacher et étaient réputés pour les soins médicaux qu’ils pouvaient apporter. Mais cette période était révolue et bon nombres de fées, à l’exemple de Kathleen, se demandaient si l’Âge d’Or de leur peuple reviendrait un jour.
La porte de la salle s’ouvrit et la conseillère de la reine entra. Aussitôt, Kathleen  lui fit un signe de tête en guise de bienvenue. Elle s’entendait bien avec elle.
- Kathleen, la reine te demande à nouveau, lui apprit Satini.
L’intéressée poussa un soupir en se levant.
- Que me veux-t-elle encore ?
Satini haussa les épaules.
- Aucune idée, elle voulait que j’aille te chercher.
Kathleen ne répondit rien et sortit avec la conseillère. Quand les deux fées arrivèrent dans la salle du trône, la reine faisait les cent pas dans la pièce. Elle avait un air sur le visage que beaucoup redoutaient. Celui de la colère. Quand elle vit entrer Kathleen, Ilaani se calma quelque peu.
- Hé bien, ou était tu ? Je t’ai fait chercher par Satini dans tout le château !
La devineresse resta calme face à la colère de la souveraine.
- J’étais à la bibliothèque, votre altesse.
Cette dernière la regarda d’un air furieux.
- Assez ! Au lieu d’aller t’abrutir avec ces idioties contenues dans ces parchemins moisis, tu ferais mieux de rester ici ! J’ai besoin de toi !
Satini alla se placer, comme toujours, près du trône de la reine. Même si elle était la conseillère de cette dernière, elle n’approuvait pas la conduite de sa souveraine. Elle était terrifiée par le Grand Conseil et craignait les représailles de celui-ci. La reine Ilaani alla s’assoir sur son trône.
- En quoi sa majesté à t’elle besoin de moi ? demanda Kathleen en s’inclinant.
Ilaani lui fit signe de s’approcher, se qu’elle fit.
- Je veux que tu interroge les Aliectes, dit-elle d’un ton dur et cassant.
Kathleen hocha la tête et sortit d’un pli de sa robe les Aliectes, des perles nacré pouvant énoncer des prophéties et communiquer avec les dieux. Elle les prit dans ses deux mains fermées et les secoua vivement. Puis elle les lança sur le sol devant elle. Elle les scruta ensuite pendant un moment. Ilaani, lasse d’attendre, s’impatienta.
- Alors, que disent-ils ? s’exclama-t-elle brusquement.
Kathleen releva la tête et regarda fixement la reine.
- Ils seront sept cœurs purs, de peuples différents, à s’opposer aux sept âmes noires et alors la fin surviendra pour Emelnys…
Cette prophétie résonna dans tout le château et fit frémir la reine Ilaani. Satini s’éclipsa discrètement pour réfléchir et tenter de comprendre. Kathleen, elle, ramassa les Aliectes, encore abasourdie. Cette prophétie annonçait-elle la fin du monde ? Sûrement, car les perles magiques ne dévoileraient jamais de tels prophéties si la fin n’était pas proche. La fée sortit de la salle et alla se réfugier dans un couloir désert. Le monde de Mélom Doum allait-il vraiment prendre fin ?

18 octobre 2015

4 – Meneldil

Menso tapait fort sur une lande brûlé par ses rayons. Aucun arbre aux alentours, seulement l’herbe sèche et quelques nuages dans le ciel. Du bruit se fit entendre à un bout de cette lande. Un animal courait,  comme fou, en soulevant un nuage de poussière sur son passage.
La bête était courte sur pattes, avec de longues défenses de chaque côté de la gueule. Une petite queue, de fines oreilles et un poil dru. Les sabots de l’animal laissèrent des empruntes sur le sol brûlé de la lande et ce dernier ne tarda pas à disparaitre à l’horizon. C’était un Létens[1], les esalmias aimaient manger sa viande et le chassait généralement dans les forêts. Mais avec la mort de trois des quatre forêts, les létens devenaient plus rares et seuls quelques-uns s’aventuraient dans la lande.
Quelques instants après le passage de la bête, un esalmias effleura du bout de la main les empruntes laissé par l’animal. Il avait de longs cheveux châtains, assez foncé, avec des signes noirs sur le front, des yeux perçants. Il était vêtu d’une tenue de voyage ou le vert, le rouge et le blanc se mêlaient discrètement, avec de très longs gants dans les mêmes tons. Il tenait un arc en bois foncé dans sa main droite tandis que des flèches au bout marron étaient rangées dans son carquois placé dans son dos.
- Il n’est plus très loin, marmonna l’esalmias en se relevant.
Il se mit à courir en suivant attentivement les traces laissées par le létens. Il pistait la bête depuis le levé du jour. Il était un bon chasseur et il aurait tôt fait de tuer l’animal. Son gibier était rapide, mais il l’était encore plus.
Il suivit la piste laissée par l’animal sur l’herbe brûlé de la lande. Il vit bientôt un nuage de poussière provoqué par la course effrénée de la bête. Vais m’amuser un peu, pensa l’esalmias en contournant le nuage. Il empoigna une flèche et se prépara à tirer. Il fixait la pointe de sa flèche, les yeux rivés vers l’endroit ou elle allait atterrir. D’un geste rapide, la flèche partit à une vitesse impressionnante et vint se ficher dans le sol, juste à gauche du létens, qui poussa un cri. Ce cri, qui donnait l’impression que l’on égorgeait la pauvre bête, se fit entendre dans la lande, retentissant. Il résonnait encore aux oreilles de l’esalmias quand il décocha sa seconde flèche, toujours à gauche de l’animal.
Cette fois, sous la peur de cette deuxième flèche, le létens bifurqua sur sa droite à toute allure. Ses yeux étaient agrandis par la panique et il commençait à se trouver à bout de souffle. Une autre flèche se plantant sur sa droite lui fit de nouveau pousser un cri. Une quatrième suivit de près la troisième et l’animal fonça droit devant lui. Il ne voulait pas se faire manger. Une cinquième et dernière flèche le projeta au sol, fiché au niveau de sa hanche droite. Il poussa un nouveau cri, un cri de douleur cette fois. Du sang coulait déjà de sa blessure et inondait son pelage de ce liquide poisseux.
L’esalmias arriva au chevet du létens mourant et sortit un couteau qui était accroché à sa taille. Lentement, il passa sa main sur le poil de l’animal. Ce dernier tenta de relever la tête mais la laissa rapidement retombé sur le sol dans un minuscule nuage de poussière.
- Pardonne moi, mon ami, murmura l’esalmias avant d’enfoncer son couteau dans le cœur de la pauvre bête afin d’abréger ses souffrances.
Le létens fut parcourus d’un frisson une dernière fois et il cessa tout mouvement. La vie l’avait quitté pour aller rejoindre la déesse Em, protectrice du peuple des esalmias et des animaux. L’esalmias coupa rapidement une touffe de poils de la bête morte et l’enterra au sol, comme une offrande à la déesse, en chuchotant :
- Merci de m’avoir donné ta vie pour subvenir à la mienne, mon ami, et repose en paix auprès d’Em.
Il rangea ensuite son couteau et empoigna le corps de l’animal pour le rapporter à son maigre campement, situé un peu plus loin. La lande était déserte et pas un souffle de vent n’y régnait. La nature semblait comme morte depuis le début des batailles contre le Grand Conseil. Seul semblait dominé Menso, le soleil brûlant qui rendait petit à petit la moindre parcelle de terre aussi sec qu’un désert.
L’esalmias arriva rapidement à son campement et déposa le corps sur le sol. Il entreprit ensuite de le dépecé et rangea la fourrure dans son sac. Il pouvait toujours en avoir besoin. Il fit ensuite cuire la viande, qui répandait bientôt une odeur appétissante. Pendant ce temps, l’esalmias rassembla ses affaires pour se tenir prêt au départ. Quand la viande fut cuit, il en avala une partie et conserva l’autre pour la route. Il effaça ensuite toute trace de son passage en ses lieux et compta ses flèches avant de les ranger dans son carquois. Il n’avait pas oublié de récupérer celles qu’il avait tirées pour effrayer le létens. 
Il mit son sac sur son dos et prit la route en direction de la ville de Veltiem, lieu ou il se rendait. Il n’en était plus très loin désormais, encore deux ou trois jours de marche, tout au plus. Il avait déjà effectué plusieurs fois le trajet au fil des ans. Avec le temps, à force d’être sur les routes, il avait vu, presque sous ses yeux, dépérir les trois premières forêts de son peuple. Maintenant, il n’en restait plus qu’une encore en bonne santé, mais, déjà, bien trop tôt, leur semblaient-ils, la Forêt de Mensofem commençait elle aussi à dépérir.
Les esalmias sont un peuple en communion la plus totale avec la nature. Elle représente l’essence même de la vie  en ce qui les concerne, l’essence de leur longévité. C’est grâce à leur harmonie avec la nature qu’ils peuvent vivre plus de mille ans, pour certains. Tant qu’au moins une des quatre forêts de leur royaume tient le coup, ils continuent de vivre et d’espérer. Mais si par malheur la dernière forêt venait à son tour à mourir, les esalmias mourraient les uns après les autres.
D’jà, certains s’affaiblissaient, dans les p’tites villes, pensa l’esalmias en se rappelant se qu’il avait vu de ses propres yeux en passant dans des petits villages du royaume. Les villageois, ceux qui vivaient les plus éloignés des quatre forêts, ou les plus près des trois forêts mortes, se vidaient peu à peu de leur force, jusqu’à ne plus pouvoir bouger du tout, jusqu’à ce que la vie les quitte pour retourner auprès d’Em. Les esalmias perdaient espoir au fur et à mesure que le Grand Conseil battait leurs armées et au fur et à mesure que la Forêt de Mensofem dépérissait…
L’esalmias fut sortit de ses pensées par des battements d’ailes dans le lointain. Des battements d’ailes puissants… et nombreux, se dit-il en scrutant le ciel, apercevant des points noirs dans le lointain.
Les créatures, des êtres formant un croisement entre un cheval et un ranil[2], appelé des orogans, ceux la étant de race noire, s’approchèrent de lui en poussant des cris ressemblant à des sortes de croassement étranges. Au loin, l’esalmias entendit le hurlement puissant d’un asgane appelé sa meute. Ces saletés de bestioles avait du le suivre depuis la vague odeur qu’avait du laisser le corps du létens. J’aurais dû enterrer la carcasse plus tôt, songea l’esalmias en bandant son arc, près à se battre. J’dois absolument m’débarrasser des orogans noirs avant l’arriver des asganes, sinon j’ne donne pas cher d’ma peau !
Les orogans s’approchaient de plus en plus de lui. L’esalmias tira une flèche qui vint tuer le premier de ces bestioles. Les autres, loin d’être effrayés, continuaient d’avancer. Elles sont envoyer par le Grand Conseil…  c’est pour sa qu’elles ne fuient pas, réfléchit l’esalmias en décochant une autre flèche, tuant un autre orogan. Un nouveau hurlement retentit, plus proche cette fois. Les asganes arrivaient…
L’esalmias continua de tirer des flèches et se mit en même temps à courir. Si les asganes le rattrapaient, il leur servirait de repas. Les orogans noirs se lancèrent à sa poursuite en poussant leurs étranges croassements. L’esalmias jetait des coups d’œil derrière son épaule, en profitant pour tiré à nouveau, tuant quelques-unes des créatures.
Il aperçut au loin un arbre, ainsi qu’un rocher. Un cheval se trouvait attaché au tronc de l’arbre. Il y avait quelqu’un. Si l’esalmias parvenait à rejoindre la personne qui se trouvait devant lui, il pourrait se débarrasser des orogans, et en même temps des asganes. Il accéléra l’allure. Devant lui, il vit un esalmias sortir de derrière le rocher, l’arc bander. Une flèche vola au dessus de sa tête et, derrière lui, un orogan tomba sur le sol, tué sur le coup, une flèche planté au niveau de son cœur.
L’inconnu semblait vouloir tuer les bestioles, cela voulait dire qu’il n’était pas un des mercenaires sanguinaires du Grand Conseil. Ce dernier recrutait des mercenaires jusque chez les esalmias, quitte, parfois, à enlever des jeunes enfants, principalement dans les petits villages. L’esalmias rejoignit l’inconnu et se retourna vivement, préparant une flèche.
Il ne restait plus que quelques orogans et il n’eu aucun mal à tous les tuer. S’il n’y avait eu que ces bestioles là… Déjà, au loin, la meute d’asganes qui le suivait le rattrapait. Ces bêtes étaient féroces et cruelles. Elles tuaient tout se qui bougeait et laissaient généralement peu de chance à leur victime, surtout en meute. Ils ne seraient pas trop de deux pour en venir à bout.
L’esalmias et l’inconnu décochèrent leurs flèches quasiment en même temps et une pluie meurtrière s’abattit sur les asganes. Certains s’effondrèrent en poussant des glapissements aigue de douleur, arrêté net dans leur course. Leurs congénères ne s’arrêtaient pas, avançant à vive allure, la langue pendante, la bave aux lèvres.
Soudain, un hennissement fit tourner la tête aux deux esalmias. Un des asgane s’était faufilé en douce à leur insu et venait de tuer le cheval de l’inconnu. L’animal s’effondra sur le sol et expira presque aussitôt. L’asgane releva la tête vers eux, un filet de sang coulant au coin de sa gueule. Il montra les crocs, menaçant, et poussa un long grognement. Derrière eux, le reste de la meute se rapprochaient dangereusement. D’un bond rapide, l’asgane bondit vers eux, les pattes en avant, la gueule prête à les déchiqueter en morceau…
L’animal s’arrêta net dans son élan, retombant lourdement sur le sol dans un minuscule nuage de poussière. Une flèche se trouvait fiché à la place de son cœur, du sang s’écoulant de sa blessure. La meute, derrière les esalmias, s’arrêta dans un grognement retentissant. Ils n’étaient plus beaucoup, certains de leurs congénères gisant sans vie sur le sol non loin.
Les asganes les regardèrent fixement. Le chef de la petite meute s’avança, écumant, la bave aux lèvres. Les esalmias n’attendirent pas que les bêtes passent à l’attaque, ils tirèrent directement dans le tas. Plusieurs asganes s’effondrèrent dans des glapissements sonores. Il ne restait plus que le chef de la meute, face à eux. Ce dernier grogna de rage, découvrant ses crocs aiguisés et pointus.
A la surprise des esalmias, il n’attaqua pas et détala rapidement en sens inverse, poussant une sorte de jappement d’avertissement. L’est partit faire son rapport aux mercenaires, comprit l’esalmias en le voyant partir.
Il se tourna ensuite vers les cadavres des orogans noirs, indifférent à la présence de l’inconnu qui l’avait aidé. Tout les orogans noirs étaient abattus et leurs corps jonchaient le sol. Il s’approcha des cadavres et donna de légers coups de pieds dans une aile d’une des créatures.
- Des espions du Grand Conseil, remarqua-t-il en donnant de léger coups sur un des cadavres du bout de son arc.
Il vit l’esalmias inconnu s’approcher assez lentement, et récupérer ses affaires au passage. Il récupéra une de ses flèches et se tourna vers l’inconnu. Ce dernier avait la peau pâle et de longs cheveux blonds. Il était vêtu d’une légère chemise verte et d’un pantalon assorti. Il portait aux pieds de grandes bottes de la même teinte.
- Merci, lança-t-il à contrecœur, n’aimant pas beaucoup les remerciements, en regardant l’esalmias blond.
Il termina d’extraire ses flèches des cadavres et les rangeas dans son carquois.
- Je m’appelle Meneldil, ajouta-t-il.
L’autre l’observa un instant sans rien dire, le détaillant rapidement du regard. Meneldil, lui, dirigea son regard vers les cadavres des orogans noirs.
- Tu voyage ? demanda soudain l’inconnu  en laissant son regard se balader sur les corps des créatures.
Meneldil farfouilla dans son sac, qu’il avait posé sur le sol.
- Ouais, répond-t-il. Vaudrait mieux brûler les carcasses maintenant avant qu’une nouvelle meute d’asganes ne revienne, fit-il remarquer.  
Les deux esalmias se dirigent vers le seul arbre des environs et entreprirent de le couper avec une hache que Meneldil avait dans ses affaires.  Une fois le bois découpés, ils l’entassairent au pied des carcasses regroupées en tas, y mettant ensuite le feu. L’esalmias à la chevelure châtain ramassa un piquet de bois qu’il avait prit soin de garder et l’enfonça fermement dans la terre. Puis il prit une des têtes d’un des orogans noirs et la planta en haut du piquet, un sourire narquois sur le visage.
- Au fait, je m’appelle Océrem, lança l’esalmias blond.
Meneldil hocha la tête et le regarda en le détaillant rapidement.
- Pourquoi tu voyage ?
Il vit Océrem resserrer sa prise autour de son arc. Il devina que ce dernier réfléchissait.
- Rapport au Grand Conseil ? tenta-t-il à tout hasard. Il avait vu beaucoup d’esalmias partir loin de chez eux pour se préserver de la guerre.  Je lui ferai volontiers la peau ! s’exclama-t-il, se doutant que son interlocuteur n’appréciait guère ces sorciers maléfiques. Y envoient ses saletés de bestioles… 
Il donna un coup de pied dans le piquet ou était fiché la tête d’un des orogan.
- …piller les villages et détruire les maisons ! Y détruisent nos temples et font dépérir nos forêts ! dit-il avec une trace de colère dans sa voix. Il en avait vu des villages détruits à causes de ces bestioles qui s’en prenaient au villageois terrifier. J’rôde autour des villages qu’y restent dans les environs pour les prévenir d’ses attaques ! Plus je tuerais de ces maudites bêtes, et mieux se sera !
Meneldil scruta les alentours, au cas où l’asgane serait revenu. Tout était calme, seule l’odeur des carcasses brûlées flottait dans l’air.  
- Je vais dans le Royaume des Millales, répondit Océrem. Je suis à la recherche de l’une d’elle… elle pourrait nous aider, ajouta-t-il.
Ainsi, cet inconnu aurait peut être trouvé un moyen de sauver notre peuple… et de rabattre le caquais au Grand Conseil ? réfléchit Meneldil. Avec l’aide d’une Millales ?
- On pourrait mettre une bonne raclé au Grand Conseil ! raisonna-t-il en fixant Océrem. T’auras besoin d’aide... et j’en suis ! dit-il avec un sourire légèrement narquois sur le visage.
Il voulait absolument mettre une bonne raclée au Grand Conseil pour tout se qu’il faisait à son peuple, pour les forêts qu’il avait tué, pour les villages qu’il avait détruit, pour les villageois qu’il avait fait assassiner ! Et il en avait l’occasion… enfin !
- C’est d’accord, répondit Océrem après un temps de réflexion.
Meneldil hocha la tête et, par réflexe, serra son arc dans sa main.
- Par ou va-t-on ? demanda-t-il.
Océrem leva un bras et désigna une forêt que l’on apercevait tout juste.
- On va aller vers l’ouest et traverser la Forêt d’Emaely, ou se qu’il en reste, personne ne pensera à nous chercher la, dit-il. Puis il faudra traverser la Montagne Inversée pour pénétrer dans le Royaume des Millales, ajouta-t-il.  Après, on verra.
L’esalmias châtain hocha la tête et fixa un moment la forêt que l’on voyait tout juste dans le lointain. Il y était déjà passer et savait très bien dans quel état elle se trouvait. Il savait à quoi s’attendre…
- Sa va prendre longtemps à pied, remarqua Meneldil. Il lui avait déjà fallut plusieurs jours de marches pour se rendre à Veltiem, en venant de l’ancien temple Saelenia. Y a pas moyen d’avoir des chevaux ?
Ils iraient beaucoup plus vite à cheval qu’à pied. Surtout s’ils devaient se lancer à la recherche de la Millales.
- Veltiem n’est pas trop loin, on pourrait y faire un détour, proposa Océrem.
Meneldil hoche la tête. Il avait calculé quelques heures plus tôt qu’il lui faudrait encore deux ou trois jours de marche pour rejoindre Veltiem. Raison de plus pour se dépêcher.
Il prit donc la direction de Veltiem avec Océrem, au nord. Derrière eux, les carcasses des orogans noirs et des asganes flambaient dans une fumée blanche montant assez haute dans le ciel, la tête de l’orogan planté sur le piquet les regardant partir de ses yeux sans vie.



[1] Les létens ressemblent beaucoup aux sangliers

[2] Les ranils ressemblent aux aigles

17 octobre 2015

3 – Océrem

La lumière réconfortante de menso traversa doucement le feuillage des arbres de la forêt de Mensofem.
Situer près de la cité d’Alanil, capitale du Royaume des Esalmias, elle est la dernière des quatre forêts d’Em[1]. Dans la forêt de Mensofem[2], pousse des végétaux d’une grande beauté.
C’est également l’un des derniers endroits ou peuvent vivrent les animaux. Les trois autres forêts du Royaume des Esalmias ont été détruites par le Grand Conseil.
Un jeune esalmias parcourait lentement la Forêt, sautant par-dessus les racines des arbres. Une troué dans le feuillage illumina sa peau pâle, ses oreilles pointus et ses longs cheveux blonds. Il portait une légère chemise verte et un pantalon assorti. Il était chaussé de grandes bottes.
Il leva la tête vers menso[3] et posa une main sur un tronc. Ses yeux d’une étrange couleur blanche reflétaient l’inquiétude.
- Toujours pareil, marmonna-t-il. Cela s’aggrave de jour en jour !
Il poussa un soupir et continua son chemin. Au fur et à mesure qu’il avançait, la végétation autour de lui devenait de plus en plus fanée. La forêt semblait dépérir. L’esalmias marcha jusqu’à un lac. Il était tellement petit qu’un cheval pourrait le traverser sans avoir à nager. L’eau semblait boueuse et spongieuse. Au dessus, menso n’arrivait pas à traverser le feuillage trop épais et l’endroit semblait sombre et menaçant.
 Le jeune esalmias tendit le bras derrière lui et attrapa son arc. Il empoigna une flèche, au bout vert pâle, et banda son arme, pointant un arbre de l’autre coté du lac. Il décocha une flèche, qui fila se planter dans une branche, juste derrière l’eau boueuse. Aussitôt une nué noire s’envola à tir d’ailes en poussant des cris aigues.
- Encore ses satones-koroses vampires, grogna l’esalmias. Elles détruisent la forêt et rependent un poison qui tue les plantes et les animaux, pesta-t-il.
Il tira plusieurs flèches et abattit plusieurs satones-koroses[4], qui tombèrent dans le lac. Ce dernier les avala alors lentement. La dernière patte disparut au fond de l’eau spongieuse quand un hennissement retentit dans la forêt.
Un bruit de course se fit entendre et un cheval blanc comme la neige déboula près de l'esalmias. Il s’approcha de lui et le frotta avec sa tête. L’esalmias lui flatta l’encolure et alla chercher ses flèches, du moins celles qui n’avaient pas été avalé par le lac. Il les rangea dans son carquois, avant de revenir près de l’animal. Il grimpa en croupe avec légèreté et donna un coup de talon à sa monture.
Le cheval partit au galop, filant dans la forêt à toute vitesse. Devant les yeux de l’esalmias blond, les arbres défilaient sans qu’il ais le temps de les voir vraiment.
- C’est de plus en plus grave, grommelait-il en regardant la nature autour de lui. La forêt de Mensofem meurt petit à petit, comme les trois autres forêts !
Le cheval sortit du couvert des arbres et emprunta un chemin de terre qui semblait avoir été foulé mainte fois. La végétation de la forêt laissa peu à peu place à des champs verts. Le chemin se mettait  à monter. Au loin, l’esalmias aperçut les murs d’une cité blanche, Alanil, capitale du Royaume des Esalmias. L’animal redoubla d’allure, sentant qu’il devait se dépêcher.
Les esalmias étaient en grande communion avec la nature et également avec les animaux, qui semblaient les comprendre.
- Doucement, Menso, chuchota l’esalmias au cheval blanc.
Ce dernier ne ralentit pourtant pas l’allure et entraina son cavalier jusqu’à l’entré de la ville, qu’ils franchirent en passant une arche de pierre. Les sabots de Menso ricochaient en un rythme régulier sur les rues pavé de la cité. Le cheval slaloma avec l’adresse de l’habitude entre les passants de la ville pour se frayer un passage vers le château, tout en haut de la cité.
Les esalmias qui cheminaient s’écartèrent sur leur passage en poussant des cris surpris et quelques fois indignés. Les murs des maisons défilaient à une vitesse et en un rien de temps, le cavalier se retrouva dans la cours pavé du château de pierre.
Un esalmias à la peau pâle, aux longs cheveux brun et portant une longue robe grise touchant presque terre descendit les marches du château. Sa tête se trouvait gracieusement ornée d’une couronne dont les motifs rappellent les tiges de lierres tressés. Le jeune esalmias blond s’avança vers lui.
- Ousamien[5], père, dit-il en s’inclinant.
Avant qu’il n’ait le temps de parler, du bruit se fit entendre, venant des bas des marches qui permettaient d’accéder à la cours du château. Un esalmias âgé aux cheveux grisonnant arriva en courant, tenant un rouleau de parchemin à la main et portant une armure et un casque.
- Seigneur Péneltos, cria-t-il. Un message important pour vous de la part du général Siladan !
Le messager tendit le rouleau au seigneur des esalmias, qui le déroula et le parcourut de ses yeux sombres. Le vieil esalmias recula et s’inclina humblement.
- Ainsi le Grand Conseil a une nouvelle fois fait tomber notre fort de Gouenliem, remarqua Péneltos.
Le messager s’inclina encore plus bas et récupéra hâtivement le rouleau de parchemin.
- Le fort de Gouenliem, père ? répéta l’esalmias blond. Il faut encore le reprendre, la forêt de Mensofem dépérit de plus en plus, s’insurgea son fils. Il faut faire quelque chose, on ne peut plus continuer à les laisser prendre nos cités !
Le seigneur des esalmias inclina la tête et se tourna vers le messager.
- Rapatriez la garnison à Veltiem, ordonna-t-il. Que nos soldats défendent la cité, le Grand Conseil ne doit plus progresser sur nos terres !
Le messager s’inclina une dernière fois avant de partir.
- Père, la situation empire dans la forêt de Mensofem, les satones-koroses s’y installent de plus en plus, lui apprit-il.
Le seigneur des esalmias hocha la tête et réfléchit un moment. Les rayons de Menso traversèrent l’Arbre de la Vie, planté dans la cours du château, près des deux esalmias. Cet arbre prédit la vie de chaque membre de la famille royale à sa naissance. Seul les Manem[6]  peuvent percevoir les signes de l’Arbre de Vie.
Péneltos sortit de ses pensés et se tourna vers son fils.
- Océrem, tu dois trouver les deux magiciennes, les élues d’Em, dit le Seigneur d’une voix grave.
Son fils le fixa et ouvrit de grands yeux ronds.
- Mais, père, et la forêt de Mansofem ? Qui va s’occuper de vérifier l’étendu du mal qui la ronge ? protesta l’esalmias blond.
Océrem se balança légèrement sur ses pieds.
- Quelqu’un d’autre s’en chargera, répondit Péneltos.
- Efani ? proposa Océrem avec espoir.
Efani était sa jeune sœur et il l’aimait beaucoup, ils étaient très liés.
- Si tu veux, lança Péneltos.
Il n’aimait que très peu sa fille et adorait son fils.
- Pour le moment, il faut que tu retrouve les magiciennes et que tu les amènes ici, elles sont notre seule chance de sauver notre peuple ! enchaîna le seigneur d’un ton sans appel… et pas du tout égoïste.  
L’esalmias blond hocha la tête et demanda :
- Ou les trouver ? demanda-t-il. Je n’ai aucune idée de l’endroit  ou elles se cachent.
Son père passa une main devant lui et désigna l’Arbre de Vie.
- Une de nos manem a perçue un signe dans les feuilles de l’Arbre. Une des magiciennes vient de quitter Galadore et se dirige vers Tasano, l’informa-t-il.
- Vous n’auriez pas pu me le dire plus tôt ? s’agaça Océrem.
- Je vais te faire préparer de quoi voyager, continua Péneltos, sans prendre en compte la remarque de son fils.
Son fils acquiesça sans rien ajouter et fixa l’Arbre de Vie. Péneltos le prit par les épaules.
- Tu es brave Océrem, le « Fils d’Em », l’encouragea-t-il. Je te fais confiance pour mener cette mission à bien, ajouta-t-il.
Océrem reprit son arc et son carquois et les passa en bandoulière. Il se retourna vers son père.
- De la réussite de ta quête dépend la survie de notre peuple, car sans la forêt de Mensofem, nous disparaitront tous, termina le seigneur d’une voix inquiétante qui résonna dans la cours pavé du château de la cité des esalmias.



[1] La Lune, en langue Esalmias

[2] Demeure des Astres

[3] Le Soleil

[4] Sortes de chauves-souris noires, presque transparentes, extrêmement grandes et très venimeuses

[5] Salutation

[6] Les prêtes ou prêtresses de Menso et Em qui peuvent voir l’avenir

17 octobre 2015

2 – Souani et Roarik

Une porta claqua à l’étage de la maison et, instinctivement, Souani leva la tête vers le plafond. Elle se trouvait à la cave, emprisonnée derrière des barreaux d’alnilytes[1] solides. De l’autre côté, une table, sur laquelle étaient posés une cruche fêlée et un verre crasseux en bois, et une chaise était disposée contre un mur en tarenos[2] gris, dur comme de la pierre. La chaise et la table étaient en bois et les coins de plafond de la cave étaient parsemés de toiles de petites arnilys[3] et d’eau qui chuintait le long des murs pour former des flaques au sol.
Souani était une jeune fille d’environ seize ans, aux longs cheveux noirs tressés, aux yeux fin et gris clair. Elle portait une tenue de voyage grise déchirée sur les bras et les jambes.  A son cou, elle avait une petite chaîne grise à  laquelle était attaché un médaillon en forme d’emalédia[4] d’un vert passé. Ce médaillon était la seule chose qu’il lui restait de sa famille, qu’elle n’avait pas connue.
La porte de la cave s’ouvrit sur un homme brun mal rasé, semblant avoir une vingtaine d’années, portant une tenue noir et une cape, ainsi que de longs gants, de la même couleur. A sa ceinture était rangé, dans des fourreaux de caratis[5], des dagues et des couteaux, ainsi qu’une épée, toutes ses armes dissimulés par sa cape. 
L’homme, appelé Roarik, descendit dans la cave en refermant la porte derrière lui, et alla se planter devant les barreaux de la prison. Souani le regardait sans rien dire, se demandant pourquoi il venait la voir. La jeune fille avait été capturée par cet homme quelques jours auparavant. Elle avait compris qu’il était sensé la tué, mais il ne l’avait pas fait, du moins, pour le moment.
- Alors, comment sa va, p’tite ? demanda Roarik en ricanant.
Il alla s’assoir sur la chaise et fit un bruit effroyable en faisant racler les pieds sur le sol. Il se versa un verre d’un liquide entre le rouge et le violet dans le verre et tourna son regard vers la prison.
- Vous êtes sensé me tué, pourquoi ne l’avez-vous pas fais tout de suite ? demanda Souani avec courage.
L’homme reposa son verre qu’il s’apprêtait à s’enfiler d’un coup et ricana de nouveau.
- Mais j’nai pas qu’sa à faire, moi, ma jolie, dit-il en avalant son étrange boisson. J’avais d’autres choses à faire et des trucs à régler !
- D’autres choses à faire ? remarqua-t-elle d’un ton narquois, bien qu’elle ait la peur au ventre. Comme voler, par exemple ?
Quand elle avait été capturée, le temps que son ravisseur la traine à Tasano, elle avait apprit que Roarik était un voleur qui se disait être dans le camp du Grand Conseil et qui accomplissait des sales besognes pour lui quand il n’avait pas le choix de faire autrement. Tout ce qu’il voulait, s’était gagner de l’argent, peu lui importait comment.

Roarik ne répondit pas à sa pique. Il savait que la jeune fille désapprouvait totalement son mode de vie. Il était un voleur, point. De toute façon, il tuerait Souani dès qu’il le pourrait. Il avait promis à l’envoyer du Grand Conseil de la tuer au plus vite et ces derniers la croyaient morte. Mais il avait eu quelques affaires à régler, comme voler de quoi manger pour lui, et quelques objets pour des collectionneurs.
La ville de Tasano, situé loin de Gil-Estel, la capitale, était la moins atteinte par l’emprise du Grand Conseil. C’était une ville portuaire qui avait autrefois battit sa renommée sur les destinations mystérieuses de leurs navires. Il y avait également des bateaux de pêches et les poissons qui se vendaient chaque fin de semaine sur le port étaient réputés pour être les plus savoureux et les plus frais du pays.
Les maisons étaient partout construites en baridans[6] et les toits recouverts de tourans[7] de différentes couleurs. Les maisons, dans les autres villes, étaient construites en pierres ou en bois. La particularité des demeures de Tasano avait également contribué à la renommée de la ville, qui était vue comme moderne et à la pointe de la nouveauté.
Mais, comme partout ailleurs, Tasano était habité par des truands, qui étaient le plus souvent des voleurs, des assassins ou des vagabonds. La milice en place dans la ville ne faisait rien pour les arrêtés. Chaque jour, quelque chose était dérobée. Les quelques collectionneurs restant dans la cité se disputaient les services des voleurs pour voler les habitants ou se voler les uns les autres afin de compléter leurs collections d’objets variés et des plus étranges.
Pour un voleur comme Roarik, le travail ne manquait pas dans cette ville et il avait eu des engagements à tenir avant de pouvoir s’occuper de Souani. Mais pour le moment, il voulait se reposer un peu de ses dernières besognes avant de se salir les mains. Et après tout, cela lui faisait de la compagnie, il n’avait pas souvent l’occasion de bavarder, même si c’était pour lancer des insultes à sa prisonnière ou pour se moquer d’elle.

Souani s’était appuyé contre un mur de sa prison et observait Roarik boire son étrange boisson en silence. Bientôt, elle vit qu’il avait plus de mal à attraper son verre et qu’il commençait à marmonner des propos incohérents. Quoi que contenait cette cruche, le voleur était visiblement saoul. Elle le suivit du regard quand il se leva en titubant et remonta dans la maison. Souani resta seule dans la cave. Une lampe qui fonctionnait à la graisse de poisson était allumée et posé sur la table, répandant un peu de lumière.
Elle s’assit sur la paille qui lui servait de lit et soupira. Elle avait envie de s’échapper d’ici. Mais si elle utilisait ses pouvoirs, elle risquait de tout faire sauter, et elle avec. Elle ne contrôlait pas encore très bien sa magie, elle avait encore quelques progrès à faire. Dans quatre ans, à sa majorité, elle saurait parfaitement contrôler ses pouvoirs. Mais en attendant, elle se gardait bien de l’utiliser.
Naïvement, Souani pensait que le voleur renoncerait à la tuer et la laisserait gentiment partir. Elle était jeune et surtout très naïve avec le monde qui l’entourait. Elle était convaincue que même dans les pires truands, sauf le Grand Conseil et ses partisans, se trouvait un bon fond. Si c’était vrai pour certains, la majeure parti des voleurs et des assassins étaient réellement cruels.
Même en ayant déjà observé les violentes colères de son ravisseur quand elle lui faisait une remarque qui ne lui plaisait pas, elle restait convaincue que Roarik avait un bon fond et qu’il n’aurait pas le cœur de la tuer.
Souani s’allongea sur sa paillasse et regarda le plafond de la cave, réfléchissant au caractère de son ravisseur. S’il ne la relâchait pas, elle allait devoir trouver un autre moyen de s’échapper d’ici.

Roarik s’éveilla avec un violent mal de tête. Il était allongé sur son lit et il avait l’impression que la sirène d’un bateau du port résonnait dans ses tympans en continue. La veille, il avait bu un mélange de vin et d’extrait de fruit qu’il avait laissé fermenté pendant des jours, sous les conseils d’un vendeur qu’il avait rencontré dans une des rues de la ville. Il savait que cette boisson n’était pas forcément très recommandée, mais, au moins, cela lui vidait l’esprit. Le voleur se leva et fit quelques pas en se tenant aux murs. Il surveillait sa prisonnière et était remonté de la cave complètement saoul. Du moins, c’est se qu’il pensait, il ne se souvenait plus très bien.
Il se versa un verre d’eau pour faire passer son mal de tête et l’avala. Puis il se dirigea vers l’endroit ou il rangeait sa sacoche noire et fouilla à l’intérieur. Il en sortit un petit carnet qu’il feuilleta. Il notait à l’intérieur tout ses engagements. Il s’arrêta sur une des pages et la parcourut du regard. Il avait du travail aujourd’hui. Un des collectionneurs de la ville voulait qu’il dérobe un carysis[8] doré pâle à un autre collectionneur.
Roarik rangea ses affaires dans sa sacoche et prit un peu de nourriture et d’eau dans la cuisine. Il descendit ensuite le tout à Souani dans sa prison. Il remonta ensuite chez lui et ajusta sa sacoche à sa ceinture. Il connaissait bien le quartier ou se trouvait le carysis qu’il devait voler. Il sortit de chez lui non sans avoir verrouillé la porte à clé. Il vivait dans un quartier mal famé de Tasano qui était en quelque sorte le repère des voleurs et des truands.
Il arriva rapidement sur le port. Il n’avait pas obligatoirement à passer par ici, mais il aimait sentir les embruns de la mer et la caresse du vent marin sur son visage. Il avait toujours vécu ici et ne se sentait chez lui nulle par ailleurs. S’il n’hésitait pas à voyager dans le royaume pour ses engagements, il était toujours heureux de retrouver sa ville natale.
S’attardant sur le port, il bifurqua dans une rue, puis dans une ruelle. Il arriva ensuite devant la demeure du collectionneur à qui il devait voler le carysis. Il contourna l’entrée et entra par l’arrière après avoir vérifié que personne ne se trouvait dans les parages. Silencieux, il longea les murs de la bâtisse, se cachant dans les coins d’ombres. Tout était calme. Trop calme.
Le collectionneur qui l’employait lui avait dit que le carysis se trouvait à l’étage, exposé sur le dessus d’une commode en bois. Il repéra l’escalier et monta rapidement. Il entra dans une pièce et vit, en effet, le carysis posé sur une commode en bois. Il scruta la pièce pour s’assurer qu’elle était vide puis se dirigea vers la commode.
Il allait se saisir de la pierre précieuse quand il entendit des aboiements de chiens.
- Hé mince ! jura-t-il. V’là les cabots !
Prudent, il rafla rapidement la pierre et la mit dans sa sacoche. Puis il se précipita en courant vers la sortie de la pièce. Il dévala l’escalier en courant et aperçut deux molosses, crocs découverts et bave aux lèvres, qui aboyaient à se rompre les cordes vocales. Sans prendre le temps de savoir d’où venaient ses bêtes, Roarik sortit de la maison par la porte arrière.
Derrière lui, il entendait les aboiements des chiens. Les molosses se lançaient à ses trousses. Il se mit à zigzaguer dans les ruelles qu’il connaissait bien. Mais il savait que les deux bêtes le retrouveraient toujours grâce à leur odorat. Il décida de bifurquer vers le port et courut sur le quai sous le regard étonné des gens.
En passant devant un étalage de poivre qu’un commerçant avait fait importer du Monde Inconnu, il se saisit d’une poigné des graines de ce fruit et détala rapidement. Il tourna dans une rue qui menait vers son employeur du moment et répandit le poivre sur le sol. Il accéléra ensuite l’allure et disparu dans une ruelle. Derrière lui, les chiens s’étaient arrêtés et reniflaient le poivre. Ils avaient perdu la trace du voleur.
Roarik s’arrêta pour reprendre son souffle et s’appuya contre un mur. Il s’assura que personne d’autre que lui ne se trouvait dans la rue et sortit le carysis de sa sacoche. La pierre précieuse était absolument splendide. Le jeune homme la fit lentement tourner entre ses mains. Sans réfléchir, il cassa un morceau de la pierre et le rangea dans une poche de sa sacoche. Puis il remit à sa place le carysis et pénétra dans la maison du collectionneur qui l’employait.
Le collectionneur le paya grassement pour sa peine et il ressortit rapidement dans la rue. Il passa sur le port une nouvelle fois. Il était plus de midi et il commençait à avoir faim. Il acheta du poisson avec l’argent qu’il avait gagné et rentra chez lui. Il se débarrassa de sa sacoche et fit cuire le poisson avec les ustensiles de mauvaises qualités qu’il possédait. Tout l’argent qu’il gagnait était dépensé en nourriture et dans le maigre loyer de sa maison.
Une fois le poisson près, il descendit à la cave pour surveiller sa prisonnière. A son arrivée, Souani se releva et l’observa sans rien dire. Elle avait mangé sa maigre ration qu’il lui avait donnée le matin en partant de bonne heure. Il la regardait du coin de l’œil en avalant son poisson. Il n’avait pas vraiment l’âme d’un assassin. Mais il avait accepté ce travail et il comptait bien le mené à bien. Mais il pouvait le faire quand il le désirait, il avait déjà empoché l’argent.
Il laissa une part du poisson sur la table et recula sa chaise contre le mur.
- Alors ma p’tite, comment te porte tu aujourd’hui ? dit-il en ricanant.
Il s’arrangeait toujours pour la faire parler quand il venait la voir, cela lui faisait de la conversation. Souani ne répondit pas et l’observait en silence. Le voleur soupira et se releva. Elle n’était pas bavarde aujourd’hui. Il reviendrait dans la soirée, peut être serait-elle plus causante.
En remontant, il lui donna le reste de son poisson en guise de repas, sans un mot, se contentant de la regarder. Lui n’avait plus faim. Il remonta dans la maison et la laissa seule dans la cave.

Souani fixa un moment la porte. Roarik pouvait se montrer gentil, bien que très rarement, et la seconde d’après entrer dans une colère noire. La jeune magicienne avait du mal à cerner le caractère de son ravisseur. Elle devait pourtant y arriver pour pouvoir espérer le tromper et sortir d’ici. Elle allait devoir se montrer très attentive dans les prochains jours.



[1] L’alnilyte est un matériau semblable au fer

[2] Le tarenos est un matériau semblable au béton

[3] Les arnilys sont des bêtes semblables aux araignées

[4] L’emalédia est une pierre précieuse ressemblant à l’émeraude

[5] Le caratis est une matière semblable au cuir

[6] Les baridans ressemblent aux briques

[7] Les tourans ressemblent aux tuiles

[8] Un carysis ressemble beaucoup à du crystal

17 août 2015

1 – Sinano

Le soleil se leva lentement au dessus des maisons d’une petite ville du nom de Galadore. Les volets commençaient à s’ouvrir, les villageois s’éveillaient. Les échoppes des divers commerçants s’animaient sur la place du village, sous le glouglou régulier de la petite fontaine.
Aujourd’hui était jour de marché dans cette bourgade du nord-ouest du Royaume des Millales. Malgré l’invasion du Grand Conseil, les villageois n’avaient pas arrêté pour autant leurs activités marchandes. On trouvait de tout sur ce marché, le plus réputé du pays. On pouvait aussi bien acheté du tissu que des Sonsos, des oiseaux que l’on plumait pour ensuite les faire rôtir. A midi, les commerçants laissaient leurs étalages et les boutiquiers leurs échoppes pour aller ripailler dans un joyeux brouhaha à la taverne.
Ce marché était le seul moyen de faire venir un peu de monde dans le petit village, les gens voyageaient de moins en moins, cantonné chez eux par la milice du Grand Conseil qui patrouillaient dans tout le Royaume. La nourriture et les bêtes se vendaient beaucoup mieux que le tissu en ses temps troublés, les gens ne voulaient pas dépenser inutilement leurs Hélatis[1], des pièces argentés qui font office de monnaies.  
C’est en ce jour de marché qu’arriva une jeune femme aux longs cheveux noirs attachés en deux couettes de chaque coté qui lui retombent un peu plus bas que les épaules, au regard gris clair et vêtu d’une tenue de voyage noire et portant des gants et des bottes de la même couleur. Elle passa un moment à parcourir le marché.
Elle s’arrêta devant un marchand de chevaux et observa attentivement les bêtes. A première vue, elles semblaient en bonne santé et vivace. Leurs robes étaient lustrés et leurs sabots luisants. Leurs crinières et leurs queues étaient soigneusement brossés. Mais la jeune femme n’était pas dupe et elle observa avec plus d’attention les chevaux. En regardant les dents, elle se rendit compte que ses bêtes étaient âgées. Le vendeur cherchait à vendre des vieilles carnes.
- Mes chevaux vous intéressent-ils, ma petite dame ? demanda le vendeur d’un ton bourru.
La jeune femme délaissa une vieille jument pour lui faire face.
- Je ne vois pas comment je pourrais être intéressé par vos bêtes dans l’état de vieillesses ou elles se trouvent ! répondit-elle du tac au tac.
Le vendeur se rembruni et répandit un flot d’insultes qu’il marmonna dans sa barbe broussailleuse. La jeune femme ne s’éloigna pas, car elle avait absolument besoin d’un cheval.
- A combien celle la ? questionna-t-elle en désignant une jument grise.
-  A dix mille hélatis, ma petite dame, lance le vendeur.
La jeune femme ricana en fixant l’homme.
- Vous n’êtes pas sérieux ? Vu l’état de cette jument, c’est du vol à ce prix !
L’homme ne se dérida pas et la regarda d’un œil sévère.
- C’est l‘prix, ma petite, et y restera comme sa !
- Je la prends pour trois mille hélatis, votre jument, dit la jeune femme.
- Ho que non, le prix c’est dix mille !
- Trois mille, je vous dis, lança-t-elle.
Les villageois s’étaient approchés, curieux de savoir qui de cette jeune femme ou de l’escroc allait l’emporter. Mais la femme n’avait pas l’air décidé à abandonner la partie et avait la ferme intention de payer le prix qu’elle avançait.
- Dix mille !
La femme semblait vouloir en venir quelque part.
- Dix mille, dit-t-elle soudain.
L’homme ne broncha pas.
- Trois mille, lança-t-il sans vraiment s’en rendre compte. Trois mille et c’est mon dernier mot, affirma-t-il.
La jeune femme sortit sa bourse et lui donna trois mille hélatis.
- Je vois que nous sommes d’accord, dit-elle.
Elle prit la jument par la longe et s’éloigna. Le vendeur baissa le regard vers sa main qui contenait les trois mille hélatis et réalisa soudain qu’il s’était fait avoir par cette jeune femme, qui avait visiblement un don pour marchander.
La femme grimpa sur la jument et déposa juste derrière elle, en croupe, une sacoche. Elle avait acheté de la nourriture et du foin. Elle projetait de se rendre à Tasano, dans le sud, pour une raison qu’elle seule connaissait. Il y avait deux rivières à traverser sur sa route et voulait contourner la Forêt de Ti en passant à l’est de celle ci.
La jeune femme répondait au nom de Sinano et était une magicienne. Elle ne montrait que très rarement ses pouvoirs, qui risquaient d’attirer sur elle l’attention du Grand Conseil. Depuis maintenant seize ans, les magiciens cachaient leurs pouvoirs de crainte de se voir pourchasser et tuer ou de se voir enrôler parmi la milice spéciale, se qui était bien pire que la mort.
Sinano dégageait d’elle une sorte de mystère et d’énigme. La jeune femme fit avancer la vieille jument qui lui servait de monture en dehors de la bourgade et emprunta un chemin pavé. Bien qu’elle ait préféré un cheval plus rapide, elle ne pouvait pas se permettre de se rendre à Tasano à pied, qui était beaucoup trop loin. De plus, elle devait s’y rendre le plus rapidement possible.  
Les villageois de Galadore, après son départ, se demandaient qui était-elle, d’où elle venait, que venait-elle faire par ici ? Car il était clair qu’elle n’était pas venue exprès pour le marché. Elle paraissait étrange, inquiétante, avec ses habits entièrement noirs, tout comme sa chevelure. D’après se que les habitants et les marchands de passage avaient pu voir, elle était doté d’un fort caractère et d’une grande capacité de persuasion.
Arriver loin de la ville de Galadore, Sinano regarda le paysage autour d’elle, prenant une carte dans son sac. Elle la déplia et observa les alentours. Elle se trouvait à la sortie de Galadore. Elle devrait traverser la rivière Danys puis la rivière Janilna, qui s’enfonçait dans la Forêt de Ti. Elle contournerait la forêt par l’est et arriverait à Tasano par le nord. La, une longue recherche l’attendrait.
Sinano rangea la carte et fit avancer la jument, qui protesta d’un hennissement, sur la route pavé qui se transformait peu à peu en un chemin de terre. Elle devait se hâter.



[1] Un hélatis correspond à un euro

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