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Le Temps d'Emelnys
18 octobre 2015

4 – Meneldil

Menso tapait fort sur une lande brûlé par ses rayons. Aucun arbre aux alentours, seulement l’herbe sèche et quelques nuages dans le ciel. Du bruit se fit entendre à un bout de cette lande. Un animal courait,  comme fou, en soulevant un nuage de poussière sur son passage.
La bête était courte sur pattes, avec de longues défenses de chaque côté de la gueule. Une petite queue, de fines oreilles et un poil dru. Les sabots de l’animal laissèrent des empruntes sur le sol brûlé de la lande et ce dernier ne tarda pas à disparaitre à l’horizon. C’était un Létens[1], les esalmias aimaient manger sa viande et le chassait généralement dans les forêts. Mais avec la mort de trois des quatre forêts, les létens devenaient plus rares et seuls quelques-uns s’aventuraient dans la lande.
Quelques instants après le passage de la bête, un esalmias effleura du bout de la main les empruntes laissé par l’animal. Il avait de longs cheveux châtains, assez foncé, avec des signes noirs sur le front, des yeux perçants. Il était vêtu d’une tenue de voyage ou le vert, le rouge et le blanc se mêlaient discrètement, avec de très longs gants dans les mêmes tons. Il tenait un arc en bois foncé dans sa main droite tandis que des flèches au bout marron étaient rangées dans son carquois placé dans son dos.
- Il n’est plus très loin, marmonna l’esalmias en se relevant.
Il se mit à courir en suivant attentivement les traces laissées par le létens. Il pistait la bête depuis le levé du jour. Il était un bon chasseur et il aurait tôt fait de tuer l’animal. Son gibier était rapide, mais il l’était encore plus.
Il suivit la piste laissée par l’animal sur l’herbe brûlé de la lande. Il vit bientôt un nuage de poussière provoqué par la course effrénée de la bête. Vais m’amuser un peu, pensa l’esalmias en contournant le nuage. Il empoigna une flèche et se prépara à tirer. Il fixait la pointe de sa flèche, les yeux rivés vers l’endroit ou elle allait atterrir. D’un geste rapide, la flèche partit à une vitesse impressionnante et vint se ficher dans le sol, juste à gauche du létens, qui poussa un cri. Ce cri, qui donnait l’impression que l’on égorgeait la pauvre bête, se fit entendre dans la lande, retentissant. Il résonnait encore aux oreilles de l’esalmias quand il décocha sa seconde flèche, toujours à gauche de l’animal.
Cette fois, sous la peur de cette deuxième flèche, le létens bifurqua sur sa droite à toute allure. Ses yeux étaient agrandis par la panique et il commençait à se trouver à bout de souffle. Une autre flèche se plantant sur sa droite lui fit de nouveau pousser un cri. Une quatrième suivit de près la troisième et l’animal fonça droit devant lui. Il ne voulait pas se faire manger. Une cinquième et dernière flèche le projeta au sol, fiché au niveau de sa hanche droite. Il poussa un nouveau cri, un cri de douleur cette fois. Du sang coulait déjà de sa blessure et inondait son pelage de ce liquide poisseux.
L’esalmias arriva au chevet du létens mourant et sortit un couteau qui était accroché à sa taille. Lentement, il passa sa main sur le poil de l’animal. Ce dernier tenta de relever la tête mais la laissa rapidement retombé sur le sol dans un minuscule nuage de poussière.
- Pardonne moi, mon ami, murmura l’esalmias avant d’enfoncer son couteau dans le cœur de la pauvre bête afin d’abréger ses souffrances.
Le létens fut parcourus d’un frisson une dernière fois et il cessa tout mouvement. La vie l’avait quitté pour aller rejoindre la déesse Em, protectrice du peuple des esalmias et des animaux. L’esalmias coupa rapidement une touffe de poils de la bête morte et l’enterra au sol, comme une offrande à la déesse, en chuchotant :
- Merci de m’avoir donné ta vie pour subvenir à la mienne, mon ami, et repose en paix auprès d’Em.
Il rangea ensuite son couteau et empoigna le corps de l’animal pour le rapporter à son maigre campement, situé un peu plus loin. La lande était déserte et pas un souffle de vent n’y régnait. La nature semblait comme morte depuis le début des batailles contre le Grand Conseil. Seul semblait dominé Menso, le soleil brûlant qui rendait petit à petit la moindre parcelle de terre aussi sec qu’un désert.
L’esalmias arriva rapidement à son campement et déposa le corps sur le sol. Il entreprit ensuite de le dépecé et rangea la fourrure dans son sac. Il pouvait toujours en avoir besoin. Il fit ensuite cuire la viande, qui répandait bientôt une odeur appétissante. Pendant ce temps, l’esalmias rassembla ses affaires pour se tenir prêt au départ. Quand la viande fut cuit, il en avala une partie et conserva l’autre pour la route. Il effaça ensuite toute trace de son passage en ses lieux et compta ses flèches avant de les ranger dans son carquois. Il n’avait pas oublié de récupérer celles qu’il avait tirées pour effrayer le létens. 
Il mit son sac sur son dos et prit la route en direction de la ville de Veltiem, lieu ou il se rendait. Il n’en était plus très loin désormais, encore deux ou trois jours de marche, tout au plus. Il avait déjà effectué plusieurs fois le trajet au fil des ans. Avec le temps, à force d’être sur les routes, il avait vu, presque sous ses yeux, dépérir les trois premières forêts de son peuple. Maintenant, il n’en restait plus qu’une encore en bonne santé, mais, déjà, bien trop tôt, leur semblaient-ils, la Forêt de Mensofem commençait elle aussi à dépérir.
Les esalmias sont un peuple en communion la plus totale avec la nature. Elle représente l’essence même de la vie  en ce qui les concerne, l’essence de leur longévité. C’est grâce à leur harmonie avec la nature qu’ils peuvent vivre plus de mille ans, pour certains. Tant qu’au moins une des quatre forêts de leur royaume tient le coup, ils continuent de vivre et d’espérer. Mais si par malheur la dernière forêt venait à son tour à mourir, les esalmias mourraient les uns après les autres.
D’jà, certains s’affaiblissaient, dans les p’tites villes, pensa l’esalmias en se rappelant se qu’il avait vu de ses propres yeux en passant dans des petits villages du royaume. Les villageois, ceux qui vivaient les plus éloignés des quatre forêts, ou les plus près des trois forêts mortes, se vidaient peu à peu de leur force, jusqu’à ne plus pouvoir bouger du tout, jusqu’à ce que la vie les quitte pour retourner auprès d’Em. Les esalmias perdaient espoir au fur et à mesure que le Grand Conseil battait leurs armées et au fur et à mesure que la Forêt de Mensofem dépérissait…
L’esalmias fut sortit de ses pensées par des battements d’ailes dans le lointain. Des battements d’ailes puissants… et nombreux, se dit-il en scrutant le ciel, apercevant des points noirs dans le lointain.
Les créatures, des êtres formant un croisement entre un cheval et un ranil[2], appelé des orogans, ceux la étant de race noire, s’approchèrent de lui en poussant des cris ressemblant à des sortes de croassement étranges. Au loin, l’esalmias entendit le hurlement puissant d’un asgane appelé sa meute. Ces saletés de bestioles avait du le suivre depuis la vague odeur qu’avait du laisser le corps du létens. J’aurais dû enterrer la carcasse plus tôt, songea l’esalmias en bandant son arc, près à se battre. J’dois absolument m’débarrasser des orogans noirs avant l’arriver des asganes, sinon j’ne donne pas cher d’ma peau !
Les orogans s’approchaient de plus en plus de lui. L’esalmias tira une flèche qui vint tuer le premier de ces bestioles. Les autres, loin d’être effrayés, continuaient d’avancer. Elles sont envoyer par le Grand Conseil…  c’est pour sa qu’elles ne fuient pas, réfléchit l’esalmias en décochant une autre flèche, tuant un autre orogan. Un nouveau hurlement retentit, plus proche cette fois. Les asganes arrivaient…
L’esalmias continua de tirer des flèches et se mit en même temps à courir. Si les asganes le rattrapaient, il leur servirait de repas. Les orogans noirs se lancèrent à sa poursuite en poussant leurs étranges croassements. L’esalmias jetait des coups d’œil derrière son épaule, en profitant pour tiré à nouveau, tuant quelques-unes des créatures.
Il aperçut au loin un arbre, ainsi qu’un rocher. Un cheval se trouvait attaché au tronc de l’arbre. Il y avait quelqu’un. Si l’esalmias parvenait à rejoindre la personne qui se trouvait devant lui, il pourrait se débarrasser des orogans, et en même temps des asganes. Il accéléra l’allure. Devant lui, il vit un esalmias sortir de derrière le rocher, l’arc bander. Une flèche vola au dessus de sa tête et, derrière lui, un orogan tomba sur le sol, tué sur le coup, une flèche planté au niveau de son cœur.
L’inconnu semblait vouloir tuer les bestioles, cela voulait dire qu’il n’était pas un des mercenaires sanguinaires du Grand Conseil. Ce dernier recrutait des mercenaires jusque chez les esalmias, quitte, parfois, à enlever des jeunes enfants, principalement dans les petits villages. L’esalmias rejoignit l’inconnu et se retourna vivement, préparant une flèche.
Il ne restait plus que quelques orogans et il n’eu aucun mal à tous les tuer. S’il n’y avait eu que ces bestioles là… Déjà, au loin, la meute d’asganes qui le suivait le rattrapait. Ces bêtes étaient féroces et cruelles. Elles tuaient tout se qui bougeait et laissaient généralement peu de chance à leur victime, surtout en meute. Ils ne seraient pas trop de deux pour en venir à bout.
L’esalmias et l’inconnu décochèrent leurs flèches quasiment en même temps et une pluie meurtrière s’abattit sur les asganes. Certains s’effondrèrent en poussant des glapissements aigue de douleur, arrêté net dans leur course. Leurs congénères ne s’arrêtaient pas, avançant à vive allure, la langue pendante, la bave aux lèvres.
Soudain, un hennissement fit tourner la tête aux deux esalmias. Un des asgane s’était faufilé en douce à leur insu et venait de tuer le cheval de l’inconnu. L’animal s’effondra sur le sol et expira presque aussitôt. L’asgane releva la tête vers eux, un filet de sang coulant au coin de sa gueule. Il montra les crocs, menaçant, et poussa un long grognement. Derrière eux, le reste de la meute se rapprochaient dangereusement. D’un bond rapide, l’asgane bondit vers eux, les pattes en avant, la gueule prête à les déchiqueter en morceau…
L’animal s’arrêta net dans son élan, retombant lourdement sur le sol dans un minuscule nuage de poussière. Une flèche se trouvait fiché à la place de son cœur, du sang s’écoulant de sa blessure. La meute, derrière les esalmias, s’arrêta dans un grognement retentissant. Ils n’étaient plus beaucoup, certains de leurs congénères gisant sans vie sur le sol non loin.
Les asganes les regardèrent fixement. Le chef de la petite meute s’avança, écumant, la bave aux lèvres. Les esalmias n’attendirent pas que les bêtes passent à l’attaque, ils tirèrent directement dans le tas. Plusieurs asganes s’effondrèrent dans des glapissements sonores. Il ne restait plus que le chef de la meute, face à eux. Ce dernier grogna de rage, découvrant ses crocs aiguisés et pointus.
A la surprise des esalmias, il n’attaqua pas et détala rapidement en sens inverse, poussant une sorte de jappement d’avertissement. L’est partit faire son rapport aux mercenaires, comprit l’esalmias en le voyant partir.
Il se tourna ensuite vers les cadavres des orogans noirs, indifférent à la présence de l’inconnu qui l’avait aidé. Tout les orogans noirs étaient abattus et leurs corps jonchaient le sol. Il s’approcha des cadavres et donna de légers coups de pieds dans une aile d’une des créatures.
- Des espions du Grand Conseil, remarqua-t-il en donnant de léger coups sur un des cadavres du bout de son arc.
Il vit l’esalmias inconnu s’approcher assez lentement, et récupérer ses affaires au passage. Il récupéra une de ses flèches et se tourna vers l’inconnu. Ce dernier avait la peau pâle et de longs cheveux blonds. Il était vêtu d’une légère chemise verte et d’un pantalon assorti. Il portait aux pieds de grandes bottes de la même teinte.
- Merci, lança-t-il à contrecœur, n’aimant pas beaucoup les remerciements, en regardant l’esalmias blond.
Il termina d’extraire ses flèches des cadavres et les rangeas dans son carquois.
- Je m’appelle Meneldil, ajouta-t-il.
L’autre l’observa un instant sans rien dire, le détaillant rapidement du regard. Meneldil, lui, dirigea son regard vers les cadavres des orogans noirs.
- Tu voyage ? demanda soudain l’inconnu  en laissant son regard se balader sur les corps des créatures.
Meneldil farfouilla dans son sac, qu’il avait posé sur le sol.
- Ouais, répond-t-il. Vaudrait mieux brûler les carcasses maintenant avant qu’une nouvelle meute d’asganes ne revienne, fit-il remarquer.  
Les deux esalmias se dirigent vers le seul arbre des environs et entreprirent de le couper avec une hache que Meneldil avait dans ses affaires.  Une fois le bois découpés, ils l’entassairent au pied des carcasses regroupées en tas, y mettant ensuite le feu. L’esalmias à la chevelure châtain ramassa un piquet de bois qu’il avait prit soin de garder et l’enfonça fermement dans la terre. Puis il prit une des têtes d’un des orogans noirs et la planta en haut du piquet, un sourire narquois sur le visage.
- Au fait, je m’appelle Océrem, lança l’esalmias blond.
Meneldil hocha la tête et le regarda en le détaillant rapidement.
- Pourquoi tu voyage ?
Il vit Océrem resserrer sa prise autour de son arc. Il devina que ce dernier réfléchissait.
- Rapport au Grand Conseil ? tenta-t-il à tout hasard. Il avait vu beaucoup d’esalmias partir loin de chez eux pour se préserver de la guerre.  Je lui ferai volontiers la peau ! s’exclama-t-il, se doutant que son interlocuteur n’appréciait guère ces sorciers maléfiques. Y envoient ses saletés de bestioles… 
Il donna un coup de pied dans le piquet ou était fiché la tête d’un des orogan.
- …piller les villages et détruire les maisons ! Y détruisent nos temples et font dépérir nos forêts ! dit-il avec une trace de colère dans sa voix. Il en avait vu des villages détruits à causes de ces bestioles qui s’en prenaient au villageois terrifier. J’rôde autour des villages qu’y restent dans les environs pour les prévenir d’ses attaques ! Plus je tuerais de ces maudites bêtes, et mieux se sera !
Meneldil scruta les alentours, au cas où l’asgane serait revenu. Tout était calme, seule l’odeur des carcasses brûlées flottait dans l’air.  
- Je vais dans le Royaume des Millales, répondit Océrem. Je suis à la recherche de l’une d’elle… elle pourrait nous aider, ajouta-t-il.
Ainsi, cet inconnu aurait peut être trouvé un moyen de sauver notre peuple… et de rabattre le caquais au Grand Conseil ? réfléchit Meneldil. Avec l’aide d’une Millales ?
- On pourrait mettre une bonne raclé au Grand Conseil ! raisonna-t-il en fixant Océrem. T’auras besoin d’aide... et j’en suis ! dit-il avec un sourire légèrement narquois sur le visage.
Il voulait absolument mettre une bonne raclée au Grand Conseil pour tout se qu’il faisait à son peuple, pour les forêts qu’il avait tué, pour les villages qu’il avait détruit, pour les villageois qu’il avait fait assassiner ! Et il en avait l’occasion… enfin !
- C’est d’accord, répondit Océrem après un temps de réflexion.
Meneldil hocha la tête et, par réflexe, serra son arc dans sa main.
- Par ou va-t-on ? demanda-t-il.
Océrem leva un bras et désigna une forêt que l’on apercevait tout juste.
- On va aller vers l’ouest et traverser la Forêt d’Emaely, ou se qu’il en reste, personne ne pensera à nous chercher la, dit-il. Puis il faudra traverser la Montagne Inversée pour pénétrer dans le Royaume des Millales, ajouta-t-il.  Après, on verra.
L’esalmias châtain hocha la tête et fixa un moment la forêt que l’on voyait tout juste dans le lointain. Il y était déjà passer et savait très bien dans quel état elle se trouvait. Il savait à quoi s’attendre…
- Sa va prendre longtemps à pied, remarqua Meneldil. Il lui avait déjà fallut plusieurs jours de marches pour se rendre à Veltiem, en venant de l’ancien temple Saelenia. Y a pas moyen d’avoir des chevaux ?
Ils iraient beaucoup plus vite à cheval qu’à pied. Surtout s’ils devaient se lancer à la recherche de la Millales.
- Veltiem n’est pas trop loin, on pourrait y faire un détour, proposa Océrem.
Meneldil hoche la tête. Il avait calculé quelques heures plus tôt qu’il lui faudrait encore deux ou trois jours de marche pour rejoindre Veltiem. Raison de plus pour se dépêcher.
Il prit donc la direction de Veltiem avec Océrem, au nord. Derrière eux, les carcasses des orogans noirs et des asganes flambaient dans une fumée blanche montant assez haute dans le ciel, la tête de l’orogan planté sur le piquet les regardant partir de ses yeux sans vie.



[1] Les létens ressemblent beaucoup aux sangliers

[2] Les ranils ressemblent aux aigles

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Commentaires
A
Je crois que c'est mon chapitre préféré avec le 5. :)<br /> <br /> Continue le livre, il est bien!!
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