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Le Temps d'Emelnys
15 décembre 2015

8 – Cascade

Une vieille jument trottait, plus qu’elle ne galopait comme l’aurait souhaité sa cavalière, sur un chemin de terre ou se mêlait les hautes herbes dans ce coin peut fréquenter d’ordinaire. Les alentours semblaient calmes et pas un oiseau ne planait dans le ciel. Ils avaient tous été chassés par les ranils envoyés par le Grand Conseil. Le vent restait silencieux, lui autrefois si joyeux en des temps plus heureux, même lui semblait avoir peur de l’emprise des sorciers noirs sur le monde. La cavalière fit ralentir sa jument à l’approche de la fin du chemin. Elle regarda un moment autour d’elle, fixant les arbustes qui bordaient chaque côté de la route de terre. Au moins, le coin n’a pas changé depuis la dernière fois, songea Sinano.
Elle descendit de cheval et prit la bride entre ses mains, se dirigeant droit devant elle, sa monture la suivant après une hésitation, les oreilles couchées en arrière. Plus Sinano avançait, plus la jument devenait agité. Peu à peu, les arbustes laissaient place à une nouvelle sorte de végétation et de paysage. Les très grands arbres avaient succédé aux arbustes et le terrain plat s’était modifié jusqu’à devenir une haute montée. Quand la magicienne fut arrivée en haut, elle ne découvrit que le vide.
En regardant vers le bas, elle aperçut une rivière secouée par les rapides. La rivière n’était pas comme cela avant, pensa-t-elle. Qu’à-t-il bien pût se passer ici ? Sur sa droite, elle remarqua un tronc d’arbre qui formait un pont entre les deux rives. Elle se rendit compte, en l’examinant du regard, que l’écorce était pourrie et qu’elle pourrait bien céder sous ses pas. En temps normal, elle n’aurait pas traversé dessus, mais elle n’avait pas le choix, elle devait passer de l’autre côté et se rendre à Tasano…
Elle se mit donc à avancer vers le pont de fortune. Derrière elle, la jument s’agitait et tentait de reculer, en vain. Elle avait les oreilles couchées à nouveau en arrière et paniquait. Malgré tout, Sinano la fit s’engager sur le tronc, passant devant pour tenter de la rassurer. Elles marchaient lentement, un pas après l’autre, avec prudence. L’écorce craquait dans un bruit effrayant. La jument se mis de nouveau à avoir peur, roulant presque des yeux, comme rendue folle par la panique. Elle avançait et reculait, se cabrant même, sans vraiment avoir conscience de se qu’elle faisait. Le bois se brisait avec plus de force sous ses sabots. La magicienne essayait de la calmer, de rattraper sa longe, mais l’animal lui échappait.
Soudain, un bruit sourd la fit se stopper net, comme figée. La seconde d’après, le tronc se brisait en deux, et elle se mit à glisser le long du bois sans pouvoir se raccrocher à quelque chose. Sa jument chuta en même temps qu’elle, tombant comme une pierre sous sa masse plus imposante que celle de sa cavalière. Sinano réussit enfin à attraper une liane qui poussait sur le bord de la falaise et s’y agrippa autant qu’elle le pouvait. Elle ne pouvait pas utiliser ses pouvoirs, ou elle serait alors tuée à coup sur.
Elle resserra ses doigts autour de sa prise et regarda vers le bas. Sa jument tentait de garder sa tête hors de l’eau tandis que les affaires qui se trouvaient attaché à sa selle se faisaient entrainer par le courant. L’animal ne tarda pas à être emporter à son tour et à se retrouver engloutit par les eaux tumultueuses. Un craquement lui fit relever la tête. La liane commençait à se briser petit à petit sous son poids. Elle se détachait peu à peu de la falaise et les mains de Sinano glissaient sur la plante. En observant les parois abruptes, elle ne vit malheureusement rien qui lui aurait permis de ne pas lâcher prise.
La liane émit un nouveau craquement et céda. Sinano abandonna la plante, qui ne lui était plus utile, et se sentit tomber. Sous l’effet de la chute rapide, elle entendit le vent sifflé à ses oreilles. Puis ce fut le silence, quand elle se retrouva sous les flots tumultueux. Elle ouvrit la bouche pour respirer, mais elle n’avala à la place que de l’eau. Les yeux ouverts, elle vit des poissons, curieux, qui s’approchaient. Elle ne leur laissa pas le temps de la toucher et remonta à la surface. Aussitôt, elle prit plusieurs inspirations. Mais elle fut rapidement emporter par le courant. Elle était prise dans des rapides et ceux-ci la projetèrent avec fracas sur un rocher. Sinano s’y agrippa de toutes ses forces, mais ses doigts glissaient sur la pierre humide et le courant était trop fort.
Elle ne tarda pas à être prise dans les eaux agitées. Les rapides l’entrainaient de rochers en rochers, la faisant se cogner avec violence sans qu’elle puisse trouver une quelconque prise.  Dès qu’il lui arrivait d’ouvrir la bouche pour prendre une inspiration, l’eau se déchaînait sur elle et lui emplissait la bouche, l’empêchant à moitié de respirer. Elle se retrouva plusieurs fois avec la tête sous les flots et elle essayait comme elle le pouvait de ne pas se retrouver engloutit aussi facilement que sa jument. Au fur et à mesure que les rapides la malmenaient, ses mouvements commençaient à se faire plus lents. Elle se fatiguait peu à peu à se débattre dans une eau plus forte qu’elle. Elle regrettait amèrement de ne pas pouvoir utiliser ses pouvoirs pour se sortir de là et maudissait le Grand Conseil intérieurement.
Un bruit, plus assourdissant que les fracas des flots, parvint à ses oreilles entre deux moments où elle ne se trouvait pas submergée par l’eau. En réussissant tant bien que mal à regarder dans la direction d’où, lui semblait-il, parvenait le bruit, elle vit comme de la brume dont elle se rapprochait rapidement. Plus elle se rapprochait en tentant toujours de garder la tête hors de l’eau, plus le bruit augmentait. Les rochers dépassant des flots se faisaient plus rares au fur et à mesure qu’elle approchait de la brume. Elle tentait toujours de s’y accrocher, mais ses doigts glissaient toujours sur la pierre humide et elle ne trouvait aucune prise sur les bords de la falaise. C’est quand elle fut arrivé à la hauteur des dernières pierres qu’elle réalisa vers quoi elle se dirigeait. Ce n’était pas une simple brume. C’était des gouttelettes d’eau qui ne pouvaient être provoqués que par une seule chose… Une cascade ! pensa Sinano avec terreur.
Elle essaya encore une fois de s’agripper aux derniers rochers, mais en vain. La force du courant augmenta soudainement et la magicienne fut pousser par une puissance tel qu’elle n’en avait jamais vue. En l’espace de quelques instants, elle se retrouva au bord de la cascade et bascula dans le vide…

Des oiseaux, plus précisément des rapaces, tournaient en rond dans le ciel. Le soleil tapait fort et la rivière coulait doucement dans un léger bruit agréable à entendre. Plus loin, la cascade se faisait à peine entendre, son fracas étant atténuer par la végétation luxuriante présente sur les deux rives. Sur l’une d’elle se trouvait un large banc de sable ou se trouvait quelques sacs échoués là par la cascade.
Sinano ouvrit lentement les yeux et vit les rapaces qui tournaient autour d’elle dans les airs, espérant pouvoir la dévorer. Mais malheureusement pour eux, la magicienne était bel et bien vivante. Elle se redressa doucement et reprit lentement ses esprits. En quelques instants, tout lui revint. Le tronc brisé, la noyade de sa jument, la liane cassée, les tumultes de la rivière, les chocs sur les rochers et enfin la chute dans la cascade. Elle se releva et entreprit d’inspecter les lieux autour d’elle du regard. La végétation était magnifique, comparé à la falaise avant la cascade. En regardant sur le sable, près de l’endroit ou elle était allongée, elle aperçut ses sacs. En fouillant à l’intérieur, elle se rendit compte qu’il lui restait sa carte et à peu près tout le reste qui était soigneusement protégé dans ses affaires, mais toutes ses provisions de nourritures pour le voyage avaient été emportées par les flots.
Un bruit discret, ténu, dans les fourrés non loin d’elle, lui fit relever la tête. Elle scruta les feuilles sans bouger et attendit. Quelques instants après, un faefae[1] sortit de sa cachette, tenant un fruit entre ses pattes. En ne quittant pas Sinano du regard, lentement, il déposa le fruit devant elle puis recula précipitamment. 
- Salut toi, dit doucement la magicienne en regardant le petit animal. Ne crains rien, je ne vais pas te faire de mal.
Elle approcha sa main du faefae et celui-ci, après une longue hésitation, avança le museau pour la renifler. Sinano en profita pour le caresser du bout des doigts. L’animal se hérissa à ce contact mais compris qu’elle ne lui voulait pas de mal. Il leva la tête et la regarde longuement, comme s’il réfléchissait, penchant la tête d’un côté, puis de l’autre. Après un moment, le faefae se leva et grimpa rapidement sur l’épaule de Sinano. Cette dernière fut si surprise qu’elle se releva vivement.
- Aie ! s’exclama-t-elle.
Le petit animal avait planté ses griffes dans l’épaule de la magicienne pour ne pas tomber. Elle tourna la tête vers lui.
- Veux tu bien descendre toi !
Elle avança sa main pour le poser au sol, mais le faefae planta ses petites dents dans ses doigts. Elle retira vivement sa main tandis que l'animal affichait un air mi-satisfait, mi-amusé. Il s'assit sur l'épaule de la magicienne et la tapota du bout de sa queue. Puis il se releva et galopa le long de son bras, jusqu'à s’asseoir sur sa main. Il entreprit de tirer sur ses doigts à sa façon, comme pour l'emmener quelque part.
- Quoi ? Tu veux que je te suive ? Demanda Sinano au faefae.
Celui-ci fit un petit hochement de la tête et la magicienne suivit la direction qu'il indiquait en tenant sa main entre ses pattes. Il l’entraîna sur la berge de la rivière, s'enfonçant dans la végétation luxuriante. Elle marcha pendant un petit moment, puis le faefae lui fit lever la tête. Au dessus d'elle pendait de nombreux fruits et le pied de l'arbre était entouré par ces agrumes tombés sur le sol. Ayant emporté son sac, Sinano entreprit de ramasser les fruits, refaisant ainsi ses provisions de nourritures pour la suite de son voyage.
Puis l'animal la ramena sur la berge ou il l'avait rencontrer de la même façon qu'à l'allée. Elle le reposa au sol délicatement.
- Merci petit faefae, lui dit-elle. Au revoir.
Elle s'éloigna, la carte en main pour retrouver rapidement son chemin. Le petit animal resta un petit moment sans bouger, comme figé, et la regarda partir. Puis il se leva et galopa dans sa direction avant de disparaître dans l'herbe.

Sinano remonta la berge pendant un long moment. Après un temps de marche, elle finit par retrouver l'autre côté du tronc brisé ou elle avait traversé. Ou plutôt chuter. Alors qu'elle contemplait la route qu'elle allait suivre, elle sentit son sac remuer. Elle l’ouvrit, intrigué, et vit sortir la tête du faefae. Le petit animal la regardait, remuant son museau.
- Mais qu'est ce que tu fais ici ?
Pour toute réponse, le faefae plongea dans le sac avant de ressortir sa tête.
- Tu veux venir avec moi ? lui demanda la magicienne. Mais je ne peux pas t'emmener.
L'animal lui lança un regard suppliant à émouvoir un rocher. La jeune femme soupira et réfléchit un instant.
- Tu tiens vraiment à venir ?
Il hocha la tête en remuant de sa petite queue en panache.
- C'est d'accord, capitula Sinano.
Le faefae prit un air satisfait et s'installa à son aise dans le sac. Sinano éclata de rire et continua sa route. Il n'y avait aucun arbre sur le bord du chemin et pas un souffle de vent. Elle avait une deuxième rivière à traverser. Et sans cheval, le chemin allait être beaucoup plus long. Elle marcha pendant un long moment sur la route de terre et s'arrêta pour faire une pause. Le faefae lui grimpa alors sur les genoux, ayant toujours un air très satisfait.
- Que dirais tu d'avoir un nom ? lui proposa-t-elle en le caressant lentement.
Il remua vivement la queue et poussa un petit cri en signe d'approbation. La magicienne réfléchit un moment.
- Que dirais tu de t’appeler Fae ? S'exclama-t-elle.
Il poussa un nouveau cri, signe d'acceptation. La jeune femme lui fit un sourire et le remis dans le sac.
- Va pour Fae, lui dit-elle en souriant. On se remet en route, alors.
Elle se releva et reprit le chemin de terre. Elle espérait pouvoir obtenir un nouveau cheval dans la prochaine ville qu'elle traverserait. Mais elle en était bien loin et il lui faudrait d'abord traverser la rivière qui s'enfonçait dans la Forêt de Ti, à la fois si inquiétante et si mystérieuse…  



[1]Petit animal à poils marron ressemblant aux écureuils volants

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